En 1989, la révolution roumaine libère le pays d’une effroyable dictature. Le monde occidental découvre avec horreur l’existence d’orphelinats où des enfants décharnés, hagards, vivaient dans des conditions effroyables. Le spectacle démarre sur des images d’archives montrant ceux que l’on désignait comme « les enfants du diable » — d’un des surnoms, parmi tant d’autres, du despote roumain.
Des bleus à l’âme
Un noir se fait. Une silhouette se dessine se balançant sur un rocking-chair. Une litanie accompagne ses oscillations : « Se balancer, c’est survivre ». Dès le début le metteur en scène, Patrick Zard’ replace le public dans le contexte, ranimant la mémoire des uns et instruisant les autres. Un second noir puis l’on découvre un homme, sec et nerveux, parlant au fauteuil maintenant vide. C’est à un fantôme qu’il s’adresse, à la fois avec tendresse et agacement.
Niki lui lit une interview de Veronica, une chanteuse d’origine roumaine qui raconte à une revue française son enfance et les orphelinats. Ce processus permet à l’autrice d’exposer les faits historiques sans être trop pédagogique. Le jeune homme semble très agacé parce que dit la vedette qui a été adoptée, et donc sauvée, par un couple de Français à l’âge de dix ans. Alors que lui et sa sœur petite sœur autiste, Mirella sont restés dans l’enfer. Or Veronica n’est autre que la cadette de cette fratrie fracassée et ils avaient fait à leur mère la promesse de toujours rester ensemble.
Un retour au bercail bouleversant
On frappe à la porte, la Veronica surgit. Elle est revenue au pays, après vingt ans d’absence, pour embrasser une dernière fois sa petite sœur. Trop tard ! Celle-ci vient d’être enterrée. Entre celle que l’occident à sauver et celui qui a préféré rester dans ce bagne, avec pour objectif de récupérer la benjamine, la confrontation va être violente mais surtout réparatrice. L’autrice a fort bien construit sa pièce sur les répercussions liées à la maltraitance et au déracinement. Mis en scène avec précision, jouant sur une belle palette de sentiments, Clémence Baron et Antoine Cafaro se révèlent formidables. Une belle découverte de ce Off.
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale d’Avignon
Les enfants du diable de Clémence Baron
Festival Off Avignon
L’Oriflamme
3-5 rue du Portail Matheron
84000 Avignon
Du 2 au 21 juillet 2021 à 11h30, relâche le lundi
Durée 1h10
Mise en scène de Patrick Zard’
assisté de Marie Nardon
Avec Clémence Baron et Antoine Cafaro