Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Le premier contact avec l’art vivant a dû être in utero. Ma mère a d’abord été chanteuse. Après être entrée dans la fonction publique, elle n’a pas totalement arrêté sa carrière artistique. Les week-ends, j’accompagnais mes parents en gala, ma mère chantait et mon père assurait la technique. Avec mon frère, on les suivait et on s’endormait dans un coin. C’était très joyeux.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Je n’ai pas souvenir d’un événement déclencheur. Je suppose que l’envie a infusé depuis l’enfance. Il y avait quelque chose de possible, d’ouvert à ce milieu dans ma famille. Mes années de patinage sur glace ont sans doute aussi fait le terreau de ce désir, comme une première expérience de l’artistique alliée au sport.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Vers douze ans, sans jamais avoir suivi un cours de théâtre, j’ai commencé à dire que je voulais être actrice. Petite, mon grand-père disait que j’étais une sacrée comédienne et que je finirais à la Comédie-Française. Me voilà en effet comédienne… Maintenant, j’attends la réalisation de la deuxième partie de la prophétie. Coucou Éric Ruf !
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
C’était adolescente, à la fin de ma première année de cours de théâtre. J’ai joué dans La Drague, une pièce de café-théâtre d’Alain Krief sur le couple. J’étais très heureuse, je me suis sentie tout à fait à ma place. Et quand le matin de la deuxième représentation, une comédienne de la pièce a eu un problème médical qui l’empêchait de jouer le soir, j’ai repris son rôle au pied levé, en plus du mien. J’ai adoré ça ! J’imagine que la dose d’adrénaline ce jour-là s’est chargée de confirmer mon envie de faire ce métier.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
C’est le genre de questions que je redoute, ça me paralyse ! Mais passé la petite panique, me reviennent trois spectacles qui m’ont marquée pour différentes raisons : l’Ivanov d’Alain Françon que j’ai vu à La Colline, il y a un bon nombre d’années maintenant, qui m’avait enthousiasmée. Gala de Jérôme Bel, pour la beauté de ces corps dansants qu’on ne montre pas souvent sur un plateau, c’était très fort. Et plus récemment, j’ai vu un spectacle bouleversant au théâtre de Doms à Avignon, Je crois que dehors c’est le printemps de Gaia Saitta, qui nouait une relation très intime avec les spectateurs. C’était simple, si beau et profondément humain.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Je ne serai pas exhaustive, impossible. Il y a les fidèles parmi les fidèles : la réalisatrice Marion Desseigne-Ravel, la régisseuse son Émilie Tramier, la comédienne Charlotte Azan et le comédien David Arribe. Il y a une incursion dans le cinéma et le monde de Sylvain Chomet. Il y a les compagnies de théâtre avec qui je collabore depuis plusieurs années : Fabio Gorgolini et Ciro Cesarano du Teatro Picaro, Leïla Anis et Karim Hammiche de L’œil brun. Plus récemment, Mathilde Levesque qui signe avec moi la mise en scène du Papier Peint Jaune. La complicité qui nous unit et la grande fluidité du travail ensemble sont un cadeau. Il y a la rencontre de grand rôle, comme celui de Face de cuillère de Lee Hall, qui m’a accompagnée pendant dix ans. Il y a mes deux filles, que je n’ai pas fini de rencontrer. Il y a leur papa. Et tant d’autres encore.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Ce métier m’a offert une formidable ouverture sur le monde. Les œuvres, les sujets, l’empathie nécessaire pour embrasser les univers proposés par les auteurs et les rôles, les questionnements intimes que le spectacle vivant soulève, me font grandir encore et encore.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’engagement et la conscience des autres. Les personnes qui travaillent en collaboration à modifier les choses pour aller vers du meilleur m’inspirent beaucoup. Faire bouger les lignes, en prenant en compte la pluralité du monde et en déjouant les présupposés, demande du temps pour sortir des visions binaires. J’admire les personnes qui ont cette exigence, et j’y aspire humblement. C’est un travail et ça demande de la vigilance pour ne pas se reposer sur ce qui semble être, mais quand on y goutte, impossible de faire marche arrière.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
J’ai longtemps eu une forme de candeur par rapport à la scène, au sens où je ne me posais pas la question des enjeux, ça se faisait de façon assez évidente. J’ai eu la chance qu’on me propose de beaux rôles et ça me suffisait, je voulais être sur scène, jouer. Au fur et à mesure des années, j’ai commencé à me poser la question du sens dans mes choix artistiques. La création de ma compagnie La Patineuse et ce premier projet, Le Papier peint jaune, sont le prolongement de ce questionnement. C’était le moment pour moi de devenir porteuse de projet pour explorer plus intimement les sujets qui me touchent particulièrement.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Ce désir de jouer est aussi intellectuel que charnel. Souvent j’ai l’impression que je commence à toucher à la profondeur d’un personnage quand mes mains s’incarnent aussi. Je dirais que ça se passe partout, jusqu’au bout des doigts.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Et hop, à nouveau la panique ! Après une bonne respiration, je pense à Lisa Guez dont j’aime le travail et les sujets abordés, et à Maëlle Dequiedt qui a mis en scène l’incroyable texte de Marcos Caramés-Blanco, Trigger Warning : c’était inédit et très puissant.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’adorerais faire une comédie musicale. Ça n’est pas forcément fou, mais pour moi ça serait un sacré truc.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Little miss sunshine, pour l’humour qui sauve de presque tout et la force de vie.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Le papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman.
Festival OFF Avignon
Théâtre Transversal
10 Rue Amphoux
84000 Avignon
Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 14h30, relâche les mardis
Durée 1h10
La muette, texte et mise en scène David Nathanson
Festival Off Avignon
Théâtre du Balcon
38 rue Guillaume Puy
84000 Avignon
Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 10h, relâche jeudi
Durée 1h15
Tout public, à partir de 9 ans