Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Ça doit se situer quelque part entre un spectacle de Chantal Goya et une représentation des Fourberies de Scapin en visite scolaire…
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
À vrai dire, il y a eu plusieurs déclencheurs durant l’enfance. D’abord, j’étais d’une timidité maladive — j’avais du mal à regarder les gens dans les yeux — et je cherchais un moyen de pouvoir la vaincre. D’autre part, étant très bon élève, mais pas très populaire, je passais pas mal de temps à observer les autres en cours de récré, et à imaginer le jour où j’aurais des pouvoirs magiques me permettant de les emmener voler dans le ciel avec moi. Enfin, j’étais fasciné par les films que j’allais voir tout jeune au cinéma, ou qui passaient à la télé, me demandant où était la limite entre le réel et la fiction. Je crois que ce sont ces trois choses-là qui m’ont poussé vers le théâtre, à neuf ans : grâce à cela, je relevais la tête, j’avais la sensation de voler en étant sur scène et d’embarquer les autres, et je décryptais un peu mieux cette frontière subtile entre réalité et imaginaire.
Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien et metteur en scène ?
Comédien : à partir du moment où j’ai posé le pied sur une scène, j’ai su que c’était le métier que je ferais. J’ai commencé tôt, vers neuf ans, j’avais un agent à Paris, mais vers douze ans ma famille a déménagé en Savoie. J’ai alors totalement arrêté le théâtre. Et puis quelques années plus tard, mon prof de musique au collège (Patrice Rimet) m’a demandé si je serais intéressé pour intégrer un groupe de chant et de comédie musicale, car il décelait chez moi du potentiel. J’ai tout de suite accepté. Et j’ai ensuite continué entre chant et théâtre après mon bac, en parallèle d’une licence à la Sorbonne.
Metteur en scène : Après ma sortie des Cours Florent, une amie, Caroline Delaittre, m’a proposé le rôle du Prince dans un Cendrillon qu’elle avait adapté. J’ai décliné le rôle, mais lui ai demandé si elle serait d’accord pour que je mette en scène le spectacle, car, à la lecture, énormément d’images m’étaient venues en tête. J’en ai fait une version pop rock disco, et j’ai trouvé ça terriblement grisant. Et cela fait désormais vingt ans que j’alterne entre le jeu et la mise en scène.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Mon tout premier spectacle professionnel, c’était Un cœur sauvage, de Christophe Botti, au Tango — improbable lieu théâtral, et pourtant ! — J’étais encore au Cours Florent à ce moment-là, mais j’avais réussi l’audition, et c’était une bonne manière d’entrer dans le monde du travail. Mais le souvenir le plus marquant pour moi, reste celui de mon premier grand rôle au théâtre : Alan Strang dans Equus, au Théâtre Marigny, quelques temps après.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
C’est tellement compliqué de répondre à cette question… Chaque projet, que je sois comédien ou metteur en scène, chaque équipe, chaque personne, est un coup de cœur scénique. En tout cas, je crois que j’ai été plutôt gâté, car j’ai rencontré énormément de personnes qui sont devenues des proches aujourd’hui, que je continue de voir, même si on ne joue plus ensemble.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Il y a eu trop de belles rencontres avec des acteurs pour n’en citer qu’un ou deux. Alors je me concentrerai plutôt sur les metteurs en scène que j’ai rencontrés, et qui m’ont permis de me découvrir, d’aller plus loin dans mon travail d’acteur, et m’ont appris aussi le métier de metteur en scène. Je pense notamment à Didier Long, Anne Bourgeois ou encore Virginie Lemoine…
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Mon métier a toujours dirigé ma vie. C’est évidemment ce qui peut me rend le plus heureux au monde quand je suis en train de travailler, et aussi le plus malheureux quand je vis des moments plus calmes.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les autres. J’adore me poser dans un bus, un métro, sur une plage, à un café, et observer les gens. Essayer de leur imaginer une vie, ou de comprendre une de leurs réactions : pourquoi pleure-t-elle ? Pourquoi est-il en colère ? L’humain, c’est notre matière première.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est un rapport organique, viscéral. Je m’y sens chez moi.
À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Bonne question… que je ne m’étais jamais posée ! Je dirais dans les jambes. J’ai un rapport très corporel à la scène ; c’est à la fois un espace de jeu et de performance pour moi. Je me prépare souvent aux rôles comme si je préparais un marathon.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Ils sont si nombreux… J’adorerais bosser sous la direction de Thomas Jolly, Johanna Boyé ou encore Géraldine Martineau, par exemple, qui ont des univers scéniques forts et un amour total des comédiens. En partenaire de jeu, je suis fasciné par des artistes comme Béatrice Agenin, Ophélia Kolb, Clémentine Célarié, Thierry Lopez, Alex Lutz, Laurent Laffite…
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’aimerais beaucoup rejouer un jour dans un projet avec beaucoup de monde sur le plateau — ce qui, hélas, est devenu rare. Sur Equus, nous étions douze, c’était génial à vivre ! L’esprit de troupe prenait alors tout son sens.
Ou alors, à l’inverse, tenter un seul en scène. Je ne l’ai encore jamais fait. Ça me titille de plus en plus. pour le défi !
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Ça serait un tableau avec beaucoup de couleurs différentes. Je vois ce métier comme un tout, et je me bats pour ne pas être étiqueté à un seul de ses aspects. On nous demande souvent de choisir, ou ce qu’on préfère… Moi, ce que je préfère c’est d’être un artiste, pluridisciplinaire. De pouvoir à la fois être acteur de télé ou cinéma et comédien de théâtre, mais aussi metteur en scène, que ça soit de concerts, de théâtre, de musical, et puis faire du doublage aussi… Je suis trop curieux pour me limiter à une seule vie.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Les Marchands d’étoiles d’Anthony Michineau
Festival OFF Avignon
Théâtre des Béliers Avignon
53 rue du Portail Magnanen
84000 Avignon
Du 3 au 21 juillet 2024 à 10h, relâche les mardis
Durée 1h30
Spectacle créé en 2023 au Festival OFF d’Avignon au Théâtre des Corps Saints
Mise en scène de Julien Alluguette,
assisté de Blandine Guimard
Avec Guillaume Bouchède, Nicolas Martinez, Stéphanie Caillol, Axelle Dodier, Julien Crampon, Anthony Michineau
Scénographie de Georges Vauraz
Création sonore de Yohann Roques