À jardin, des pupitres et des instruments meublent l’espace. Pieds nus, à pas feutrés, les musiciennes du quintet Il Convito entrent en toute discrétion. Au clavecin, Maude Gratton donne le la. Les notes de Bach s’envolent dans les cintres. Des coulisses, une première danseuse en tee-shirt et jeans foule les planches. Les gestes sont précis, ciselés. La grammaire très angulaire et très physique de Noé Soulier est immédiatement reconnaissable. Cérébral, il pense le mouvement comme un figure géométrique. Chaque jambe tendue, chaque bras plié et chaque enchaînement demande aux interprètes non seulement une haute technicité, mais aussi une virtuosité indéniable.
L’art plastique de la danse
Dans une sorte de ronde, où chaque interprète passe le relais à une ou un autre, la gestuelle se répète, se répond ou s’oppose. Les corps ondulent, se replient ou se tendent. Traversés par les sonates de Bach, divinement jouées, ou se laissant porter par une musique intérieure quand le silence se fait, les danseuses et le danseur habitent la scène que ce soit en solo tout d’abord, puis en duo ou trio. Leur souffle exagérément expiré sert de rythmique. Le tourbillon de mouvement savant autant que fluide convie à une transe qui n’invite pas tant au lâcher-prise, qu’au concept même d’un abandon très maîtrisé. Si le maître mot de cette nouvelle création est l’action. Le chorégraphe poursuit son travail analytique de la danse, ne laisse rien au hasard.
Close up, qui signifie fermer, refermer en anglais, est un terme qui, en photographie ou en cinéma, renvoie à un type de cadrage particulier, un resserrage sur une partie du corps. Ayant testé cette technique pour son film Fragments, Noé Soulier a eu le désir de tenter l’expérience au plateau. En zoomant grâce à une caméra sur un détail du mouvement et du corps, il propose en cours de spectacle de regarder la danse par un autre prisme. En fond de scène, face à l’objectif d’une caméra, danseuses et danseur poursuivent leur interprétation dans une zone délimitée par un panneau. Projetées sur grand écran au-dessus du plateau, n’apparaissent que des images fragmentées de leur mouvement, un bras, un pied, un dos. L’effet est troublant, puissant. Plus que de la chorégraphie, c’est du grand art.
Corps à l’unisson
L’écran s’envole vers les cintres. Le plateau est à nouveau nu. Par deux, trois, six, les interprètes reprennent d’assaut la scène, l’habitent avec une fulgurance sidérante. Jouant sur les clairs-obscurs, les pulsations des corps, Noé Soulier fait vibrer à l’unisson scène et salle. Les uns utilisent leur respiration pour cadencer leur mouvement, les autres retiennent leur souffle tant ce dernier tableau chorégraphique atteint une incroyable intensité. En permettant aux spectateurs d’approcher au plus près de chaque geste, le chorégraphe signe une œuvre exigeante autant qu’exaltante !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Avignon
Close up de Noé Soulier
Festival d’Avignon
Opéra Grand Avignon
Place de l’Horloge
84000 Avignon
Jusqu’au 21 juillet 2024
durée 1h15
Tournée
9 et 10 octobre 2024 au Centre national de danse contemporaine d’Angers
16 octobre 2024 à Romaeuropa Festival (Italie)
27 et 28 novembre 2024 – La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche avec Lux Scène nationale de Valence
7 décembre 2024 au Theater Freiburg (Allemagne)
18 et 19 janvier 2025 à l’Opéra de Rennes dans le cadre du Festival Waterproof
25 et 26 janvier 2025 à l’Opéra de Nantes dans le cadre du Festival Trajectoires
28 janvier 2025 au Quartz Scène nationale de Brest
31 janvier 2025 au Théâtre Auditorium de Poitiers
5 février 2025 à Espaces Pluriels – Scène conventionnée danse (Pau)
7 février 2025 à la Scène nationale du Sud-Aquitain (Anglet)
Du 11 au 13 mars 2025 au Théâtre de la Ville (Paris) avec Chaillot Théâtre national de la danse (Paris)
27 mars 2025 à L’Arsenal Cité musicale de Metz
Conception et chorégraphie deNoé Soulier
Avec Julie Charbonnier, Yumiko Funaya, Nangaline Gomis, Samuel Planas, Mélisande Tonolo, Gal Zusmanovich
et l’Ensemble Il Convito : Christine Busch en alternance avec Sophie Gent (violon), Claire Gratton (viole de gambe), Maude Gratton (clavecin), Amélie Michel (traverso), Ageet Zweistra (violoncelle)
Direction musicale de Maude Gratton
Musique de Jean-Sébastien Bach
Lumière de Kelig Le Bars
Vidéo de Pierre Martin Oriol
Scénographie de Kelig Le Bars, Pierre Martin Oriol, Noé Soulier
Assistanat à la chorégraphie – Stephanie Amurao
Direction technique – François le Maguer
Régie générale – Mathilde Monier
Régie lumière – Nicolas Bazoge
Assistanat lumière et plateau – Martin Mouchère
Régie vidéo et son - Jérôme Tuncer
