C’est à l’Epée de bois que l’on a découvert, avec Désintégration, le récit de l’autrice algérienne sur cette femme qui a préféré « nulle autre voie » que celle du crime face aux violences de son mari.
« J’ai souhaité de toutes mes forces qu’il rôtisse en enfer, lui, l’homme pieux toujours prêt à exhiber sa foi et qui avait pris à la lettre le verset dans lequel il est dit qu’un homme se doit de corriger son épouse s’il considère qu’elle se montre récalcitrante. » Elle assume son acte et accepte le verdict, quinze ans de réclusion. Sa peine purgée, elle sort, mais que faire de cette liberté ? Pour la première fois, elle sera seule, sans son mari, sans ses compagnes de cellule. Rejetée de sa famille et de ses anciens amis, elle ne peut compter que sur l’aide de son frère. L’arrivée d’une écrivaine va l’obliger à réfléchir sur ce mariage imposé par ses parents, sur les coups qu’elle a trop longtemps accepté en silence, sur son acte, mais aussi sur les vies de toutes ces femmes croisées en prison.
Kheireddine Lardjam signe une adaptation ciselée, centrée sur le personnage de la « criminelle ». Sa mise en scène, avec ses jeux de lumières, d’apparitions et de disparitions, est très réussie. Il a eu l’excellente idée que le frère ne dise mot mais chante, comme pour apaiser. La voix de Salah Gaoua nous charme et nous entraîne loin, très loin. Sa version en arabe de Historia de un Amor est splendide. C’est beau de voir ce colosse aux pieds d’argile au côté de la petite brindille qu’est Linda Chaïb. Le metteur en scène a donné à cette grande comédienne un rôle à la mesure de son talent. Tel un instrument accordé aux mesures des tempos de l’autrice, elle fait vibrer de tout son être ce texte sublime.
Marie-Céline Nivière
Nulle autre voix de Maïssa Bey
Festival Off Avignon
Artéphile
5 bis – 7 rue du Bourg Neuf
84000 Avignon.
Du 3 au 21 juillet à 16h, relâche les mardis.
Durée 1h.
Adaptation théâtrale et mise en scène de Kheireddine Lardjam.
Avec Linda Chaïb et Salah Gaoua.
Création lumières de Manu Cottin.
Son de Thibaut.