Le poids des fourmis - David Paquet - Philippe Cyr © Yanick Macdonald
© Yanick Macdonald

« Le poids des fourmis », une satire bluffante venue du Québec

L’auteur et le metteur en scène québécois débarquent au Festival OFF d’Avignon, à la Manufacture-Patinoire pour mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière de nos colères et de nos espoirs.

Depuis 34 ans, le Théâtre Bluff, « sensible aux transformations constantes et rapides de nos sociétés modernes, a choisi de placer l’adolescence au cœur de son projet artistique. » Par ricochet, en s’adressant à ceux qui construiront l’avenir, ils touchent l’adulte, celui qui porte le présent. C’est dans cet esprit qu’y est présenté, le cri de résistance formidable qu’est Le poids des fourmis de David Paquet, mis en scène par Philippe Cyr.

Le poids des fourmis - David Paquet - Philippe Cyr © Yanick Macdonald
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Dès le début, on sent que la proposition artistique va être originale. On n’est pas vraiment surpris tant l’on sait, depuis Marc Lepage, que le théâtre québécois est tout aussi particulier que fondamental. Au centre du plateau, un carré, représentant une île. Bien confortablement installés sous un parasol, un homme et une femme, vêtus de chemises hawaïennes, dégustent un cocktail. Ils sont entourés d’eau, représentée par des balles noires, et par-delà le reste du plateau. Ce formidable espace scénique va être le terrain de jeu de cette critique sociale à l’humour acide et régénérant.

Le premier éclat de rire surgit lorsque l’on apprend que l’homme n’est autre que le principal d’un collège, non pas d’élite mais de déchet. La retraite approchant et ses illusions envolées depuis longtemps, il est totalement démissionnaire. Histoire d’embêter les gamins indisciplinés de son établissement et parce que les institutions le financent, il organise une élection scolaire dans le cadre de la Semaine du futur. C’était à prévoir : tout le monde s’en fout. Deux gosses passant par son bureau vont se retrouver à mener campagne.

La première, c’est Jeanne (exceptionnelle Élisabeth Smith). La môme est née en colère. Consciente que quelque chose ne tourne pas rond sur cette terre, elle s’indigne. D’un coup de feutre rageur, elle tague les pubs installées dans les toilettes de son « collège de merde ». Ce qui l’amène dans le bureau du directeur à qui elle va expliquer pourquoi elle râle tout le temps. « Croire que je peux changer le monde me donne envie d’en faire partie ». Sa punition va être de se présenter aux élections.

Le second, c’est Olivier (remarquable Gabriel Szabo). On le découvre chez lui, cauchemardant que l’on vient de lui offrir en cadeau une terre morte pendant que des grandes personnes lui chantent « bonne chance ». Atteint d’écoanxiété, ce gentil petit gars dévore toutes informations passant par le net et dans les livres sur la destruction du monde. Une libraire très spéciale lui donne l’occasion de voler un livre portant sur tous les savoirs inutiles. Telles les fourmis pèsent plus lourd que les hommes sur la terre. Cela lui donne envie de s’ouvrir aux autres et de passer du pessimisme à l’optimisme. Et c’est ainsi qu’il se rend dans le bureau du directeur et récolte le droit de se présenter.

Le poids des fourmis - David Paquet - Philippe Cyr © Yanick Macdonald
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Par leurs comportements étranges, ces deux adolescents ont été exclus par leurs camarades. Ces deux solitaires vont se rencontrer et comprendre le pouvoir de l’entraide qui permet de tenir debout ou de se relever. Ils ne vont pas avoir peur de se jeter à l’eau, c’est-à-dire dans les balles, pour mieux atteindre les rivages d’un monde qu’ils rêvent meilleur.

Et les adultes dans tout ça ? Ils sont ici représentés par le corps enseignant, les parents, les psys, les commerçants et par deux comédiens formidables, Nathalie Claude (impayable) et Gaétan Nadeau (réjouissant). Eux aussi vont se retrouver changés au contact de ces adolescents qui aiment donner des coups de pied dans la fourmilière et leur rappeler qu’il ne faut jamais baisser les bras.

Le texte de David Paquet est intelligent, la drôlerie souligne toute l’émotion véhiculée par les nombreux thèmes abordés. Et puis, il y a cette langue si belle, si imagée, si riche qu’est le joual. Ici, totalement accessible. Ce jeune homme vient de se rajouter à la liste des grands auteurs de son pays, Michel Tremblay, Michel Marc Bouchard, Carole Fréchette, Daniel Danis, et bien sûr Wajdi Mouawad… Son texte est merveilleusement mis en valeur par la mise en scène très réussie de Philippe Cyr, un artiste qui possède un univers très riche. Un coup de cœur !


Le poids des fourmis de David Paquet (Lémac éditeur)
Festival OFF Avignon
Manufacture – La Patinoire
2 Rue des Écoles
84000 Avignon
Du 4 au 21 juillet 2024 à 10h, relâche les mercredis
Durée 2h05 (trajets en navette compris).
Dès 13 ans.

Spectacle vu au Paris-Villette le 24 mai 2024

Tournée 2025
18 mars à la Scène Nationale de Dieppe
27 et 28 mars à L’Estive, scène nationale de Foix
2 et 3 avril à l’Opéra, via le Totem à Avignon
10 au 12 avril au Festival Viva, Am Stram Gram de Genève (ch)
24 avril au théâtre municipal de Langres.
29 avril au Festival Youth is great, Le Grand Bleu à Lille.

Mise en scène de Philippe Cyr
Avec Nathalie Claude, Gaétan Nadeau, Élisabeth Smith, Gabriel Szabo
Codirection artistique de Mario Borges et Joachim Tanguay
Scénographie d’Odile Gamache
Costumes d’Étienne René-Contant
Lumières de Cédric Delorme-Bouchard
Conception sonore de Christophe Lamarche- Ledoux
Assistance à la mise en scène Vanessa Beaupré.

Bande annonce « Le poids des fourmis » de David Paquet © Théâtre Bluff

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