C’est lors de la 15e édition du festival des Mises en capsules que nous avons découvert La disparition de Josef Mengele. Devant la qualité de cette ébauche de trente minutes, c’était avec impatience que l’on attendait de voir ce spectacle dans son intégralité. Il en résulte un chef-d’œuvre qui, en ces jours sombres, résonne fortement.
Un devoir de mémoire
Le nazisme a été la pire catastrophe humaine du XXe siècle. Et comme le rappelle Olivier Guez à la fin de son remarquable ouvrage : « Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal. Méfiance, l’homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes ».
Josef Mengele a commis les pires atrocités contre l’humanité au nom d’une « idéologie reposant sur des convictions racistes et la mise en œuvre d’une persécution d’État prolongée par une politique génocidaire de purification raciale ». Il a participé à la sélection des déportés voués à la chambre à gaz et réalisa d’inhumaines expérimentations médicales. « L’ange de la mort », comme il fut surnommé par ses victimes, mourut en 1979, au Brésil, à soixante-sept ans, sans jamais avoir été arrêté et jugé pour ses actes.
Un travail remarquable
Cette passionnante enquête raconte l’impensable fuite d’un monstre et surtout la façon dont ce dernier a pu survivre « tranquillement » en Amérique du Sud. Mengele, profitant du désordre qui régnait après la chute du IIIe Reich, est passé entre les mailles du filet de la chasse aux criminelles de guerre. Ensuite, comme tant d’autres, il arrive à fuir et se rendre au paradis des nazis en fuite, l’Argentine. Grâce aux soutiens du gouvernement de Perón, de la communauté allemande, de sa famille et d’amis en tout genre, il s’est fondu dans la foule sous des pseudos et même, ce qui est encore pire, sous son véritable nom, sans jamais renier ses idées et ses actes. Le seul jugement qu’il craignait était celui que porterait son fils Rolf qui tomba sur lui comme un couperet.
Mickaël Chirinian possède une belle maîtrise de son art. Ce n’est pas la première fois qu’il s’empare d’un texte littéraire pour lui faire entendre toute sa puissance. L’ombre de la baleine et La liste de mes envies, deux seuls-en-scène, ont connu, à très juste titre, de grands succès. Son adaptation du livre de Guez est de cette veine-là. La théâtralisation est dans le rythme, les ruptures, les nuances et la distanciation. Mis en scène très intelligemment par Benoît Giros, le comédien réalise une grande performance d’acteur. Bravo !
Marie-Céline Nivière – Envoyée spéciale à Avignon
La disparition de Josef Megele d’après l’œuvre d’Olivier Guez
Festival OFF Avignon
Théâtre du Chêne noir
8 rue Sainte-Catherine
84000 Avignon
Du 29 juin au 21 juillet 2024 à 18h, relâche les lundis
Durée 1h15.
Adaptation et mise en scène de Mickael Chirinian
Mise en scène de Benoît Giros
Costumes et scénographie de Sarah Leterrier
Lumières de Julien Ménard et Eric Schoenzetter
Création sonore d’Isabelle Fuchs