Elles sont trois. Toutes s’appellent Alejandra et sont les descendantes des femmes torturées, violées dans un des plus grands centres de détention et d’extermination, dont Pinochet et ses sbires se servirent de 1973 à 1979 pour réduire au silence les opposants au régime, ainsi que leurs proches. Elles ont été désignées pour décider de l’avenir de ce lieu, rasé par les militaires afin d’effacer les preuves de son existence. Mais que faire de ce terrain presque vague, situé en périphérie de Santiago, où se tenait la Villa Grimaldi, qui fut un temps la caserne Terra-nova, où plus de 4500 personnes y ont subi les pires sévices, et dont de nombreuses y ont été victimes de disparitions forcées ? La réhabiliter, la transformer en musée contemporain ou en lieu de commémoration ?
La question est épineuse. Dos au public, comme s’il était impossible, pour ces trois femmes d’affronter le regard de leurs concitoyens, elles s’essayent à la démocratie, votes secrets, discussions pour chercher le consensus. Rien n’y fait le dilemme est trop important, le choix trop cornélien. Comment concilier mémoire démocratique, justice, résilience et réconciliation ? Impossible… C’est en tout cas ce que semble conclure Guillermo Calderón avec Villa, estimant finalement que seules les victimes peuvent répondre et que chacune, en fonction ou non de sa capacité à pardonner, à oublier, à surmonter les traumatismes physiques et psychologiques subis, réagit très différemment.
Donnant vie au texte du dramaturge chilien, Francisca Lewin, Macarena Zamudio, Carla Romero, comédiennes habitées et vibrantes, habitent le plateau. Mais, peut-être parce qu’il y a dans le parti-pris de Guillermo Calderón, une certaine distanciation, une utilisation de la métaphore et d’une certaine forme de légèreté pour éviter l’effroi de prime abord, l’émotion, pourtant visible dans les interprétations, n’arrive pas à briser le quatrième mur. Elle reste en surface sans arriver à toucher au-delà de l’atrocité des actes cités. Plus radiophonique que théâtrale, Villa, pièce créée en 2011 et remontée à l’occasion de l’anniversaire des 50 ans du coup d’État militaire d’Augusto Pinochet, vaut surtout pour le devoir de mémoire et la manière dont chacun s’en empare.
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier
Villa de Guillermo Calderón
Pièce en espagnol surtitrée
Printemps des comédiens
Théâtre de la Vignette
245 Rue du Val de Montferrand
34090 Montpellier
durée 1h10
Tournée
19 au 21 juillet 2024 au GREC Festival de Barcelona, Espagne
24 juillet 2024 au MIT Ribadavia – Ribadavia Theatre Festival, Espagne
Mise en scène de Guillermo Calderón
Avec Francisca Lewin, Macarena Zamudio, Carla Romero
Assistanat à la direction – María Paz González
Scénographie de María Fernanda Videla