François de Mazières - Le Mois Molière © Le Mois Molière
© Le Mois Molière

François de Mazières exporte le Mois Molière dans le Off

En 1996, alors chargé de la culture à Versailles, François de Mazières a créé le Mois Molière, devenu un événement phare du printemps francilien. Aujourd'hui maire, il exporte l'événement au Festival Off Avignon dans un lieu historique, l'ancien Carmel.

C’est en sa belle et impressionnante mairie que François de Mazières nous a donné rendez-vous, ce 18 juin, jour du fameux appel à la résistance du Général de Gaulle. Guillaume Lebigre, son directeur de la communication, nous prévient : le maire va être un peu en retard. L’édile inaugure à l’espace Richaud l’exposition Sous le soleil des savoir-faire. Les maîtres d’art à Versailles. Ce qui nous laisse le temps d’admirer la vue, totalement dégagée, sur le Château de Versailles — pour la petite histoire, un décret toujours en vigueur, aucune maison de la ville n’a le droit d’être plus haute que la chambre du roi. Seule la mairie l’est, symbolisant la préséance de la république.

Les Mauvais élèves- - de Mazière © JP - Le Mois Molière
Les Mauvais élèves aux saluts aux petites écuries © JP – Le Mois Molière

Le maire arrive tout sourire. D’une voix au bord de l’extinction, il s’excuse, mais la rencontre avec ces « artistes merveilleux » a été captivante. François de Mazières est un homme de passion, un amoureux de la culture et surtout du théâtre. C’est d’ailleurs dès le collège qu’il tombe dans la marmite, grâce à un père Franciscain qui amenait ses jeunes ouailles jouer La vie de Saint-François d’Assise sur les places publiques de province, comme à l’époque du Moyen-Âge. « J’avais 11 ans, on marchait de ville en ville comme ça. Je jouais le troubadour qui annonçait la représentation. C’était assez étonnant. Et ça m’a donné le goût du spectacle. »

L’année suivante, ses parents emménagent à Versailles. Il est en cinquième. Son professeur de français inscrit les élèves de l’atelier théâtre au festival interscolaire. « On a eu le premier prix ! », se souvient-il. Cet événement a vu passer des écoliers qui, depuis, ont fait une belle carrière : Denis Podalydès de la Comédie-Française, Didier Long, Nicolas Vaude, Guillaume de Tonquédec

Ayant définitivement pris goût à l’art dramatique, le jeune François s’inscrit au conservatoire de Versailles, dirigé alors par la grande Marcelle Tassencourt. « J’y suis resté très longtemps, mais au fond, je ne voulais pas être acteur d’abord parce que je voulais réussir mes études. J’étais dyslexique, et ccomme mes frères avaient fait de bonnes études, je voulais montrer que moi aussi je pouvais faire aussi bien qu’eux ». Ce qu’il fait, en intégrant Sciences-Po puis l’ENA. En parallèle, il continue à suivre le conservatoire et, avec son emploi de jeune premier, participe à quelques spectacles de Marcelle Tassencourt, dont quelques pièces de tréteaux dans les rues de Versailles.

On purge bébé - Antoine Seguin - de Mazière © Le Mois Molière
On purge bébé de Feydeau, mis en scène par Antoine Seguin © Le Mois Molière

Après un parcours de sous-préfet et de chef de cabinet dans divers ministères, il entre à la mairie de Versailles comme chargé à la culture. Il se rappelle alors des fameux Mai de Versailles qu’organisait sa chère professeure et contacte Francis Perrin, qui dirigeait le théâtre Montansier. « Il pensait voir un profil de haut fonctionnaire et tombe sur un mec passionné. On s’entend très bien. Je lui dis que j’aimerais bien faire la charrette de Molière dans les quartiers. C’était aussi son rêve. On s’est lancés. » Quand Jean-Daniel Laval, camarade de conservatoire, reprend la tête du Montansier, François de Mazières restructure l’événement. C’est ainsi que le Mois Molière prend sa forme actuelle, qui connaît depuis vingt-huit ans un franc succès : chaque mois de juin, Versailles devient un immense théâtre à ciel ouvert.

Depuis, François de Mazières est l’âme artistique de ce festival. En passionné, il va tous les ans au Festival Off Avignon pour « identifier les gros potentiels » des artistes émergents. C’est ainsi qu’à l’époque, il fait venir un jeune Alexis Michalik avec sa Mégère à peu près apprivoisée. Aujourd’hui, les liens tissés avec les artistes, dont la plupart reviennent régulièrement au Mois Molière, lui permettent de peaufiner sa programmation en amont d’Avignon. Des compagnies comme celles d’Anthony Magnier, Jean-Hervé Appéré, Salomé Villiers, Gwenhaël de Gouvello, Ronan Rivière, Emmanuel Besnault ou Élisa Bénizio sont accueillis en résidence à l’année. « Ils peuvent créer leurs spectacles, et en retour, pour la ville, ils vont travailler auprès des écoles où des quartiers. »

Pendant tout le mois de juin, les spectacles sont donnés un peu partout dans la cité. Les grands rendez-vous se passent dans la cour de la grande écurie du château de Versailles qui abrite l’académie équestre fondée par Bartabas. « Quand il pleut, il nous ouvre les portes de l’Académie ». Cette édition, ce fut souvent le cas. « Il joue le jeu et on entretient de très bons rapports ». Le Mois Molière fait également une belle place au théâtre amateur. C’est Mme Lefebvre qui s’en charge, en plus de l’organisation de tout le festival. « Une personnalité incroyable », que les spectateurs et artistes connaissent bien. C’est elle, la chef de l’armée de bénévoles qui permet la bonne tenue du festival. Enfin, il y a aussi la musique au programme, avec de nombreux concerts. « De tous les temps nous avons eu le souci de la beauté. C’est important, surtout en ce moment. »

Paris- Istanbul - Mois Molière - de Mazière © Vito Flamminio
Paris-Istanbul, dernier appel d’après Sedef Ecer, mis en scène par Eric Bouvron © Vito Flamminio

Lorsqu’on lui demande pourquoi, cette année, le Mois Molière s’installe à Avignon, François de Mazières répond le plus simplement du monde : « Parce que l’on nous l’a proposé ! J’avoue que sur le moment j’étais un peu retissant et en même temps, j’y voyais une opportunité assez incroyable. » Il interroge les « sociétaires » du Mois Molière et du Off — Éric Bouvron, Ronan Rivière, Emmanuel Besnault et d’autres — qui l’encouragent. Il descend voir ce nouveau lieu installé dans l’ancien carmel. « J’ai trouvé l’endroit magnifique et qu’il allait bien avec l’esprit du Mois Molière ». Dans un « esprit associatif », il décide d’y programmer huit spectacles, tous estampillés Mois Molière, puisqu’ils y ont été présentés. Il en revendique la diversité et la qualité. « C’est une aventure pour tout le monde ».

Dans cette programmation, il y a une création à lui. Car à ses heures libres — et non pas perdues —, le maire écrit des pièces de théâtres. « Au fond, c’était une manière de continuer le théâtre ! Aussi parce qu’en fait, le théâtre, c’est l’écriture de la vie. » Il reconnaît que pour un auteur de théâtre, il n’est pas facile de se faire connaître. Il avoue avoir écrit une bonne dizaine de pièces, surtout des comédies politiques et sociales, sous divers pseudonymes.

L’une d’entre elles, Commedia cathodique, a été jouée au festival d’Avignon. Cette critique sur les communicants, signée sous le nom de François Zéméaris, était mise en scène par Jean-Hervé Appéré, un autre fidèle du Mois Molière. Une autre pièce s’est vue montée par le théâtre de l’Archicube de Christophe Barbier. Deux autres ont été présentées au Mois Molière : un monologue et une comédie qui « a fait beaucoup rire les spectateurs sans qu’ils sachent que Pierre Lemuet, c’était moi ! ». Cette fois-ci, il signe de son véritable nom. « Je n’ai plus rien à prouver. »

Le Mois Molière - Le géniteur © Juliette Glaesener/ Ville de Versailles
Le géniteur de François de Mazières mise en scène de Nicolas Rigas © Juliette Glaesener/ Ville de Versailles

Ce Géniteur lui a été inspiré par un fait divers lu dans un quotidien. « C’est l’histoire d’un couple où l’homme et la femme sont nés grâce à l’insémination d’un spermatozoïde d’un donneur anonyme, puisque le père devait être stérile les deux côtés et ils sont mariés ! » L’homme décide de faire des recherches. « C’était amusant d’imaginer quelqu’un qui est hypocondriaque, qui s’interroge et s’angoisse de se dire que peut-être sa femme a le même père génétique ». Cette comédie, assez bien ficelée, est mise en scène par Nicolas Rigas et interprété par Mylène Bourdeau, Martin Loizillon et Salvatore Ingoglia.

Le calendrier politique avec les élections législatives anticipées va l’obliger à faire des allers-retours entre Avignon et Versailles. Mais cela ne l’empêche pas d’aborder l’aventure du Mois Molière dans le Off avec tout le dynamisme qui fait l’ADN de cet homme passionné et passionnant. Notre discussion arrive à sa fin. L’homme remet sa casquette d’élu et se dépêche : il a rendez-vous avec le préfet des Yvelines.


Le Mois Molière à Avignon
Festival OFF Avignon
L’ancien Carmel
3 Rue de l’Observance
84000 Avignon
Du 3 au 21 juillet, relâche les lundis
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