La culotte - Anouilh - Bayart © Caroline Moreau
© Caroline Moreau

Émeline Bayart sort du placard « La Culotte » de Anouilh

Avec ce spectacle, créé à l’automne à l’Athénée et repris au théâtre Montparnasse, la comédienne et metteuse en scène a ressorti du placard cette pièce étonnante du grand dramaturge français de la fin du XXe siècle.

Après Feydeau avec On purge bébé, Émeline Bayart fait chanter Anouilh. Celui qui fut considéré comme un des plus grands dramaturges de cette fin du XXe siècle, semble ressortir du purgatoire dans lequel il était tombé. Après Léocadia, Eurydice et Pauvre Bitos, c’est au tour de La Culotte, une pièce farceuse et méconnue qui fut créée en 1978 avec Jean-Pierre Marielle, de retrouver le haut de l’affiche.

La culotte - Anouilh - Bayart © Caroline Moreau
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S’attaquant au MLF, au pouvoir, à la jeunesse, mais aussi aux hommes, Anouilh semble régler ses comptes avec la société des années 1970 qu’il ne comprend plus vraiment. S’inspirant du fameux Lysistrata d’Aristophane, qu’il patine d’une pâte très vaudevilliste, les femmes ont pris le pouvoir. Telle leurs sœurs de la Révolution française, elles ont mis en place des lois et des tribunaux destinés à “châtrer” tous les phallocrates. L’évolution de la société étant ce qu’elle est, l’auteur tombe dans le piège de l’arroseur arrosé. Sa pièce prend aujourd’hui une tonalité qu’il n’avait certainement pas prévue.

Avec ses airs d’Yvette Guilbert, Émeline Bayart surgit sur la scène en chantant Mon mari est un guignol, de Colette Renard. Les premiers rires éclatent dans la salle. Ledit mari nous apparaît alors, accroché à un poteau. Il est puni parce qu’il a couché avec la bonne, à qui il a fait un enfant. On lui décroche la main droite juste pour qu’il puisse écrire son article pour Le Figaro. Comme dans un Labiche, un Feydeau ou un Courteline, l’action se passe chez les petits-bourgeois. Les messieurs font bouillir la marmite pendant que ces dames s’occupent de la maison, aidée bien sûr du petit personnel.

Incarné avec de belles nuances par Marc Chouppart, le personnage de Léon de Saint-Pré est une parfaite caricature de ces hommes qui pensent plus avec ce qu’ils ont dans le caleçon que dans la tête. Sa femme n’est bonne qu’à le servir et les bonnes à lui servir pour le plaisir. La seule femme qu’il respecte, c’est sa mère. Si on l’en croit l’auteur, il n’aspire même qu’à retrouver dans les bras des autres la chaleur de ses marques d’affections. Ce que son épouse ne lui offre plus.

Il faut dire que Madame possède le tempérament d’une emmerdeuse de première. On se demande bien pourquoi ! Elle a la main leste envers sa petite fille et l’agacement facile avec sa mère (interprétées toutes les deux par l’épatante Corinne Martin). Évidemment, elle a toutes les indulgences pour son fils (formidable Thomas Da Costa, qui joue aussi La Ficelle, le valet dégonflé). Émeline Bayart est toute à son aise dans ce personnage haut en couleur. Possédant la vis comica et une voix en or, la comédienne est toute aussi fantasque que touchante.

La culotte - Anouilh - Bayart © Caroline Moreau
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Sur la demande de Madame, Monsieur passe au tribunal. Non pas pour divorcer mais pour être jugé de ses mauvaises actions. Son avocat et ex-meilleur ami est passé à l’ennemi par ambition. Ce qui veut dire qu’il s’est fait castrer pour prouver au nouveau pouvoir qu’il est de leur côté. Parlant dans les aigus et jouant sur la flatterie, Benjamin Guillard, doué dans la dialectique du discours, est formidable. La juge, aimant que la justice soit bien rendue, souhaite entendre toutes les doléances et les prendre en compte. Rempli d’humanité, Thomas Landbo est impayable lorsqu’il entonne l’excellente chanson d’Henri Tachan, Les Z’hommes. Il ne faudrait pas oublier son assesseure, le divin pianiste Marc-Henri Lamande.

Et la bonne dans tout ça ? De la première, par qui vient le drame, on ne saura qu’une chose. Son enfant est noir. En revanche, on en sait plus sur la nouvelle. Bien qu’appartenant au comité des femmes libres du XVIe arrondissement, la jeune femme va prendre son patron en pitié et tomber sous son charme. La gracieuse et malicieuse Herrade von Meier est parfaite. Et lorsque Monsieur part avec la bonne, c’est pour se rendre compte que le changement d’herbage ne réjouit pas forcément le taureau. Dans un décor superbe, une mise en scène très réussie et un choix de chansons pertinent, Bayart fait bien entendre cette farce aussi grinçante que drolatique.


La culotte de Jean Anouilh
Théâtre Montparnasse
31 rue de la Gaîté
75014 Paris.
Jusqu’au 30 juin 2024.
Durée 1h45.

Mise en scène Émeline Bayart,
assistée de Luciana Velocci.
Avec Émeline Bayart, Marc Chouppart, Thomas Da Costa, Benjamin Gaillard, Marc-Henri Lamande, Thomas Landbo, Corinne Martin et Herrade von Meier.
Scénographie et costumes d’Anne-Sophie Grac.
Lumières Joël Fabing et Melaine Danion.
Arrangements musicaux de Manuel Peskine.

Bande annonce « La culotte » © Théâtre Montparnasse

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