LA DERNIERE NUIT DE DON JUAN - d apres Edmond ROSTAND - Adaptation et mise en scene : Maryse ESTIER © Vincent Pontet, Coll. Comédie-Française
© Vincent Pontet, Coll. Comédie-Française

« La Dernière Nuit de Don Juan », le solde de tout compte d’un séducteur vaniteux

Ancienne académicienne de la Comédie-Française, la Suissesse Maryse Estier sort de l’oubli une pièce méconnue d’Edmond Rostand, son auteur de prédilection, et transforme le studio en tribunal de dernière instance. 

Beau, jeune, blond peroxydé, Don Juan (Baptiste Chabaudy, malicieux à souhait) n’a rien perdu de sa superbe, de son goût des femmes, de son impertinence. Cela fait longtemps qu’il a quitté la Sicile pour s’installer à Venise. Il y a dix ans, il a conclu un pacte avec le diable (détonnant Jordan Rezgui) pour continuer sa vie de débauche sans craindre les foudres de Dieu, des dévots, des maris trompés ou des frères sourcilleux de la vertu de leurs sœurs. Mais voilà, le sursis s’achève et l’heure des comptes a sonné. Toutes les horloges de la ville carillonnent annonçant la dernière nuit de ce séducteur sans foi ni loi. 

LA DERNIERE NUIT DE DON JUAN - d apres Edmond ROSTAND - Adaptation et mise en scene : Maryse ESTIER © Vincent Pontet, Coll. Comédie-Française
© Vincent Pontet, Coll. Comédie-Française

Peu pressé de croupir en enfer, il espère encore quelques échappatoires. Beau parleur, il pérore, tente une dernière roublardise pour sauver sa peau, mais rien n’y fait. En s’emparant du personnage rendu célèbre par Molière, le père de Cyrano de Bergerac lui invente une autre fin moins flamboyante, l’obligeant à regarder en face ses crimes et ses mille et trois conquêtes. Quoi de pire en effet pour Don Juan, ce libertin patenté, qu’être condamné pour l’éternité à n’être qu’un médiocre, destitué, l’un après l’autre, de tout ce qu’il pensait constituer ses faits de gloire ?

À travers la plume poétique d’Edmond Rostand, et son ton jamais sentencieux ni moralisateur, cette Dernière Nuit de Don Juan sur terre est avant tout son procès, celui d’un homme qui a séduit des milliers de femmes mais qui est incapable de se souvenir d’une seule ; d’un blasphémateur qui n’a offensé personne à part lui-même ; d’un charmeur persuadé d’avoir obtenu le cœur de ses amantes de haute lutte, mais qui s’aperçoit que toutes l’ont choisi bien avant qu’il s’intéresse à elles… Avec ingéniosité et finesse, Maryse Estier porte au plateau cette ultime mise en abîme d’une fierté masculine mal placée. 

Grâce à la scénographie et les lumières imaginées par Lucien Valle, qui ne sont pas sans rappeler le fameux festin de Pierre, ultime repas de Don Juan, l’artiste suisse enferme le héros déchu dans ses contradictions tout en l’exposant à la vue de ses juges, du public et des différents personnages peints sur l’immense fresque qui sert de fond scène. Ayant épuisé tous ses recours, dépouillé de son arrogance, il peut enfin affronter l’enfer de n’être… plus rien. Jouant avec les codes du théâtre classique et dirigeant au cordeau les comédiens du Français, dont sa toute nouvelle pensionnaire, l’épatante Edith Proust, Maryse Estier signe un spectacle de belle facture qui donne à entendre une langue quelque peu datée, mais que sa mise en scène enlevée rend étrangement moderne. 


La Dernière Nuit de Don Juan d’après Edmond Rostand 
Studio 
Comédie-Française
Galerie du Carrousel du Louvre
99 rue de Rivoli
75001 Paris

jusqu’au 7 juillet 2024
durée 1h05

Adaptation et mise en scène de Maryse Estier
Scénographie et lumières de Lucien Valle 
Costumes d’Anaëlle Misman 
Musique originale et son de John Kaced 
Marionnettes d’Adèle Collé 
Avec Bakary Sangaré, Baptiste Chabauty, Jordan Rezgui, Edith Proust et les voix des Mille et trois ombres – Françoise Gillard, Anna Cervinka, Danièle Lebrun
et Léna Tournier Bernard de l’académie de la Comédie- Française 

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