Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Un spectacle de flamenco au théâtre de Nîmes, adolescent.
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
À dix-huit ans, j’ai accompagné une copine du lycée à Paris pour lui donner la réplique au CNSAD. Je faisais du théâtre en amateur dans ma région depuis mes huit ans, mais là, sur le plateau du conservatoire, je me suis dit : « C’est ce que je veux faire de ma vie ».
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédien ?
Le changement perpétuel, l’adrénaline, le fait de pouvoir apprendre toute sa vie… C’est une quête de liberté, et de sens. Un métier grâce auquel on peut échapper — un peu — à la norme.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Ruy Blas, mis en scène par William Mesguich. J’étais encore à l’école et j’avais une collection de petits rôles plutôt ingrats. Cela m’a appris la rigueur et le fait qu’il faut proposer tout le temps, même si on a une demi-phrase à dire. On a tourné plusieurs années, avec un dispositif scénique assez technique. C’était très formateur.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Je ne peux pas en choisir qu’un ! Je dirais Au moins j’aurai laissé un beau cadavre de Vincent Macaigne, Notre terreur de Sylvain Creuzevault, L’empereur de la perte de Jan Fabre, You are my destiny d’Angelica Liddell, Un peu de tendresse bordel de merde de Dave St Pierre, les Copi de Marcial di Fonzo Bo et Élise Vigier, Qui a peur de Virginia Woolf par la Cie De Koe, Urlo de Pippo Delbonno et Le Roi Lear de Jean-François Sivadier.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Jean-Louis Martin-Barbaz, le directeur du Studio d’Asnières (ESCA), qui était un homme merveilleux, fin et drôle, qui aimait profondément les acteurs. Il insufflait une confiance incroyable à ses élèves. Lorraine de Sagazan, rencontrée dans cette école et avec qui j’ai beaucoup travaillé par la suite, en compagnie d’une équipe de comédiennes et comédiens qui sont mes amis. J’ai grandi avec eux. Et Hélène François, rencontrée aussi à Asnières, avec qui j’ai écrit Parler Pointu et qui l’a mis en scène. Je n’aurais jamais pu le faire sans elle.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Je suis quelqu’un qui a du mal à faire des choix. « Choisir, c’est renoncer. » À 41 ans, c’est encore plus prégnant… Ce métier me permet de vivre mille expériences de vie différentes.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Évidemment, les spectacles que je vais voir, les lectures, les expos, mais aussi la bande dessinée, et des reportages documentaires.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
C’est le seul espace de liberté absolue — quand on travaille avec les bonnes personnes. J’aime à la fois ce qui est très sensible et concret, en prise avec le réel, et ce qui est baroque, et complètement délirant.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Pas dans la tête en tout cas. Ce n’est pas du tout intellectuel chez moi. Il y a quelque chose de l’enfance : le faire pour que ça existe. J’ai travaillé avec un collectif belge dont l’un des membres nous disait : « Il ne faut pas essayer d’être plus grand que soi sur un plateau, c’est totalement vain ». Je suis en total désaccord avec ça. Il y a mille manières d’envisager la pratique théâtrale. Ce qui est intéressant, c’est que, justement, aucune n’est la bonne. Pour moi, être sur scène, c’est l’inverse. C’est essayer malgré tout de transcender quelque chose. C’est l’endroit où se rencontrent le sacré et le profane, le minable, le trivial et le grandiose.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Elsa Granat, Vincent Macaigne, Jean-François Sivadier, Tiphaine Raffier, Les chiens de Navarre, Louis Arène, Joël Pommerat, Ivo Von Hove, Franck Castorf… On peut rêver.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Un film d’Almodovar — Idem.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Un tableau d’art naïf.
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière
Parler pointu, spectacle écrit par Benjamin Tholozan et Hélène François
Festival Off Avignon
La Manufacture
2 rue des écoles
84000 Avignon
Du 4 au 21 juillet 2024 à 19h15, relâche les 10 et 17 juillet
Durée 1h25