En quelques mots, quel est votre parcours ?
Adrien Mondot : Je suis informaticien et jongleur et je conçois des spectacles et des installations qui emploient souvent le mouvement comme vecteur d’expression. Je conçois les outils numériques, les programmes informatiques que l’on utilise au sein de la compagnie. On a composé toutes les œuvres à quatre mains avec Claire Bardaine au sein la compagnie Adrien M & Claire B, que nous avons créée en 2011.
Comment définiriez-vous votre art ?
Adrien Mondot : Tout simplement comme des arts visuels vivants. J’ai l’impression que ce que je cherche, c’est quand même de faire ressortir le vivant dans toutes les formes. Fabriquer des images seules ne m’intéresse pas. J’ai besoin qu’il y ait quelque chose qui respire, quelque chose qui contienne le trouble du vivant, même si ce n’est pas réellement vivant. Parfois, ça peut s’apparenter à de la marionnette, en cela qu’il est question de mettre en vie quelque chose. Je me sens aussi toujours profondément jongleur dans cette façon de faire bouger des formes inanimées.
L’illusion est au cœur de votre travail. Qu’est-ce qui vous fascine dans cette approche ?
Adrien Mondot : L’illusion est capable de susciter la surprise et l’étonnement voire l’émerveillement, et donc d’amener à quelque chose de l’ordre du jeu avec le réel, à cet endroit enfantin. Elle permet d’accéder à l’enfant qui est enfoui dans chacun des spectateurs.
Comment foncionne votre duo avec Claire Bardaine ?
Adrien Mondot : Nous avons un lien assez inextricable. On discute beaucoup, on échange, et les idées rebondissent plusieurs fois. Après il y a peut-être des enjeux qui sont différents : Claire travaille souvent davantage la dramaturgie, c’est une sorte de stratège. Moi je suis plutôt un tacticien, c’est-à-dire qu’à l’intérieur des dramaturges, je fournis des outils pour que ça puisse avancer. Après, on a des intuitions qui s’étalent sur des domaines qui ne se recouvrent pas : moi, j’ai plutôt l’intuition du mouvement, Claire, celle de l’image. Et c’est là que naissent des choses assez intéressantes qui peuvent combler différentes strates de du regard du spectateur.
À la Philharmonie, vous présentez En amour, une œuvre immersive et participative. Quelle est sa genèse ?
Adrien Mondot : À l’invitation du Musée de la musique de la Philharmonie de Paris, nous avons fait la proposition de travailler sur l’amour. Le point de départ était la fin de la crise du Covid et le début de la guerre en Ukraine, cette sensation de fin du monde relativement imminente. Dans une terre qui brûle de tous les côtés, on se posait la question du rôle des artistes, lesquels avaient été vus comme non-essentiels pendant deux ans de crise de Covid. Que pouvait-on et devait-on faire ? Notre élément de réponse était celui-ci : même si la vie doit être très courte, infiniment courte, même si elle doit durer une fraction de seconde, si cette fraction de seconde est remplie d’amour, d’un amour puissant, alors elle vaut le coup d’être vécue.
Telle était l’idée de départ. Pendant le processus de création, il s’est trouvé qu’après douze années de signature à quatre mains et de travail commun, nous avons pris la décision de nous séparer et de ne plus être un couple, ni à la ville, ni au travail. En amour est donc devenu notre œuvre d’adieu à l’un et à l’autre. Quand on a proposé à la Philharmonie ce virage l’été dernier, au moment de la séparation, ils ont accepté de nous accompagner dans ce processus. C’est donc un témoignage de notre histoire qui est racontée. Une forme d’autofiction, dans la mesure où certains éléments y sont un peu transformés mais que tout est vraiment inspiré de notre vie.
Vous présentez également à Paris l’été Dernière minute. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Adrien Mondot : Dernière minute est une création antérieure à En amour et que nous avons imaginée comme un diptyque. C’est une pièce que l’on pourrait décrire comme un rituel et qui a une articulation particulière dans notre travail. Nous prenons un virage qui est de l’ordre du témoignage intime. Dernière minute cueille les spectateurs au moment où la vie commence à apparaître et les amène jusqu’à sa disparition.
Cette pièce a été pensée à un moment où notre deuxième fils, Mircea, est né, et que Jean, le père de Claire, est devenu le premier de nos quatre parents à partir. À ce moment, on a vraiment senti le début et la fin de la vie. Le projet, c’est donc de prendre les spectateurs par la main et de leur raconter cette histoire à l’échelle des particules : comment notre corps se compose et se décompose-t-il ? Comment est-ce qu’il s’assemble et se réduit en poussière depuis le moment où tous les atomes s’assemblent jusqu’au moment où ils se désassemblent ? C’est un voyage musical, parce qu’on a voulu créer une forme de symphonie en demandant à Olivier Mélano de composer la trame musicale. Et c’est une expérience de trente minutes qui est à la fois sensible et symbolique. C’est la première pièce des “Rituels”.
propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
En amour d’Adrien M & Claire B
La Philharmonie de Paris
jusqu’au 25 août 2024
221 avenue Jean-Jaurès
75019 Paris
Dernière minute d’Adrien M et Claire B
Festival Paris l’Été
Lycée Jacques Decour
12 avenue Trudaine
75009 Paris
du 3 au 13 juillet 2024