Quelle est la genèse du Vivier Festival ?
Julie Louart : Le festival est né en 2019 suite à la fermeture du théâtre de Ménilmontant qui a entraîné une mise à la rue d’un certain nombre de compagnies. Une proposition de la mairie du 20e de gérer le lieu a abouti à un travail de longue haleine pour donner vie à un espace culturel que la population puisse investir. Au-delà de monter un projet qui suscite l’intérêt des tutelles municipales, il fallait présenter concrètement ce qu il était possible de faire. C’est de cette concertation, de notre soif de rencontres, de partages, de liens, de contacts — un an avant le covid : prémonition ? — qu’a émergé l’idée d’un festival de quinze jours en plein cœur du 19e : Le Vivier. Aujourd’hui le lieu n’existe pas encore mais le festival oui, et nous préparons la quatrième édition.
Quelle en est sa singularité ?
Julie Louart : Je dirais d’être pluridisciplinaire, engagée et itinérante. Le festival a pour volonté de de s’ancrer dans le territoire qui l’accueille et de créer du lien. Réunir et rassembler en sont les maîtres mots. C’est aussi un vecteur de transmission et un tremplin pour les jeunes artistes. Il a en effet aussi pour vocation de donner la parole à ceux et celles qui n’osent pas la prendre à travers des ateliers, des performances, des concerts, des spectacles tout public, des veillées de libres pensées et des expos.
Comment s’inscrit-il à l’année dans la vie de la compagnie que vous dirigez et qui est porteur du projet ?
Julie Louart : Le festival a tout d’abord été biannuel pour ensuite s’orienter vers une édition par an, et un temps fort d’une journée au printemps.
Il tient une grande place dans l’organisation de la compagnie. Il rassemble à la fois des artistes intervenants à l’année mais aussi des associations partenaires, ainsi que certains élèves des cours CriArtistes désireux de présenter un projet lors du festival. Toutefois, il faut que cela soit en lien avec le thème abordé. Il permet aussi de présenter en avant-première des spectacles de la compagnie.
Comment se fait la programmation ?
Julie Louart : Elle se fait en fonction des urgences actuelles : nous abordons à chaque édition des sujets de société. il est aussi une évidence, en tant que festival itinérant, de s’inspirer du lieu qui nous accueille, de son atmosphère et de proposer une programmation populaire, engagée et pluridisciplinaire. Elle émane donc de l’expérience humaine et artistique des saisons précédentes. L’investigation, le partage et la confiance donnent vie aux différentes saisons où la parole sera libérée et le récit partagé, engagé.
Cette édition 2024, qui aura lieu en novembre, et qui est élaborée sur deux jours, questionnera nos limites en tant qu’individus. Dans un monde où l’avenir devient une incertitude, entre course effrénée contre le temps, pression sociale et individualisme. Nous reviendrons donc à l’essentiel, c’est-à-dire en s’interrogant sur comment prendre soin de soi, prendre soin de l’autre et comprendre le temps qui passe. Du coup on peut dire que la programmation naît de la situation sociétale actuelle et associe nos incertitudes et colères. « Hurler au monde ses vérités qui sont aussi les nôtres. » Il sera question cette année de frontières, celles entre les états, mais aussi celle entre la vie et la mort, de comment retrouver un lien avec la nature, comment faire en sorte que le monde qui nous entoure soit plus équilibré et inclusif.
Quels sont les temps forts ?
Julie Louart : Nous présentons un micro-format le 26 mai à la Bellevilloise, qui annoncera notre quatrième édition. Elle sera intitulée Les Amazones Vertes, en référence à l’hommage fait par Élise Thiébaut à la pionnière de l’éco-féminisme Françoise d’Eaubonne. Nous y retrouverons notre veillée de libres pensées qui pour moi est l’un des temps forts de ce moment de partage. Des associations, écrivain·e·s et artistes se rassemblent pour une veillée engagée et poétique, au coin du feu, afin d’ouvrir nos imaginaires. Nous convoquerons et réunirons ainsi ces paroles de femmes qui aspirent à une société éco-responsable et inclusive. C’est un temps récurrent que nous retrouvons sur toutes nos éditions. D’ailleurs, nous avons déjà prévu celle qui aura lieu en novembre et qui aura comme titre La Voie vers l’autre, veillée engagée et musicale. Cet instant suspendu nous fera voyager au-delà des frontières. À travers l’histoire de la migration, nous évoquerons la nécessité de renverser les barrières et de préserver la mixité.
Que peut-on vous souhaiter ?
Julie Louart : De continuer à faire de nouveaux partenariats avec des associations de quartier et de continuer de pouvoir offrir un espace safe de discussions et de divertissements responsables. D’avoir un rayonnement national et une plus grande visibilité et puis de réaliser notre objectif : avoir notre propre lieu pour offrir à toutes et tous une programmation riche, responsable et engagée à l’année.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Micro-Format – Le Vivier Festival par La compagnie CriArts
La Bellevilloise
19-21 Rue Boyer
75020 Paris
Le 26 mai 2024