Laëtitia Guedon © Pauline Le Goff
Laëtitia Guedon © Pauline Le Goff

Paris Globe, le tout nouveau festival parisien

Dans le cadre de l'Olympiade culturelle organisée en parallèles des Jeux olympiques d’été de 2024, sept théâtres parisiens s’associent et fondent un nouveau temps fort printanier tourné vers la création internationale. L’occasion d’une rencontre avec Adrien De Van, initiateur du projet, et Laetitia Guédon. 

Adrien De Van : Depuis quelques temps, une collaboration étroite existe entre les différentes équipes des théâtres et des structures culturelles affiliés à la mairie de Paris. Pour la plupart nous nous connaissons depuis longtemps, nous sommes mus par des envies et des appétences communes ; souvent nous travaillons avec les mêmes artistes. Par ailleurs, l’an passé quand nous avons présenté Tom Na Fazenda, la version brésilienne de la pièce de Michel Marc Bouchard, j’ai bien senti le frémissement des publics pour ce type de proposition atypique et ce que cela aussi représentait pour les compagnies étrangères, peu ou inconnues en France, de pouvoir montrer leur travail à Paris. En parallèle de cela, nous nous sommes demandés ce que nous pourrions proposer dans le cadre de l’Olympiade culturelle. Très vite, j’ai eu l’intuition que nous pourrions mettre nos compétences et nos ressources en commun pour travailler un peu plus une programmation à l’internationale. Seuls, nos moyens sont limités. En mutualisant nos forces, de nouvelles possibilités et de nouvelles opportunités s’ouvraient à nous. J’ai donc lancé l’idée d’un temps fort que nous pourrions porter ensemble. L’écho a été favorable, d’autant qu’entre autres, Laetitia [Guédon] avait le projet de travailler avec Philippe Sire qui est au Québec, Ninon Leclère et Jean-Baptiste Pasquier, qui viennent d’arriver au Théâtre Silvia Monfort ont axé toute une partie de leur projet vers l’internationale. On avait tous cette envie de pousser aussi les murs de la programmation vers d’autres frontières. C’était le moment idéal de se lancer dans cette aventure collaborative. 

Jogging, Hanane Hajj Ali © Marwan Tahtah
Hanane Hajj Ali dans « Jogging » © Marwan Tahtah

Laëtitia Guédon : Pour rebondir sur ce que dit Adrien, c’est vraiment cette idée de collaboration et de mutualisation qui est au cœur du projet. Notre point commun est d’être des lieux intermédiaires de la vie culturelle parisienne avec des moyens assez similaires. Donc pour nous, travailler ensemble est la possibilité de voir un peu plus grand. Mais ce qui était aussi important, c’est que chaque lieu garde son individualité, sa singularité. Pour nous, l’envie de collaborer est née aussi du désir de générer entre les lieux des ponts, de permettre aux artistes que nous défendons d’avoir un écho un peu plus large, de faire circuler leur œuvre autrement, et surtout de pouvoir développer une programmation à l’international. Si Adrien est l’initiateur de ce festival, cette volonté d’imaginer un partenariat, un temps fort commun, a très naturellement pris racine en chacun de nous. C’est d’autant plus fort que nous avons dû nous faire confiance, car la plupart des projets que nous accueillons sont des découvertes, des spectacles dont on a vu des captations, ou dont nous avons entendu parler par nos réseaux. Le temps imparti pour mettre en place ce festival a été particulièrement court, nous n’avions pas la capacité de nous déplacer ou de circuler pour aller voir les spectacles sur place. Ça été un travail de longue haleine, qu’Adrien a parfaitement coordonné. Il s’est occupé de toute la logistique pour qu’on puisse construire une programmation autour de douze propositions très différentes et surtout venant des cinq continents. 

Adrien De Van : En effet, nous n’avons eu que six mois pour imaginer la programmation. Il a fallu donc être efficients, et surtout que chacun puisse s’exprimer afin que cette première édition soit représentative de nos ADN communs autant que singuliers. C’est pour cela d’ailleurs qu’une partie des projets que nous accueillons était déjà dans les tuyaux de certains lieux, c’est le cas de Jogging d’Hanane Hajj Ali, qui sera présenté au Théâtre Silvia Monfort ou de Commitment Phobe d’Ira Brand que l’on pourra voir au Théâtre de la Bastille. Pour les autres spectacles, nous avons fait jouer, comme le disait Laëtitia, nos réseaux, que ce soit les instituts français, des professionnels, comme Catherine Dant ou Anne de Amézaga, des personnes de confiance qui sont allées au Festival de Tokyo, de Budapest, etc. Ce qui était important pour nous et qui est le fil conducteur de Paris Globe, c’était de se concentrer sur des projets qui étaient moins repérés ou qui n’avaient pas une force de frappe suffisante pour être diffusés au-delà du local. Cela reflète un peu nos enjeux de programmation. C’est-à-dire la découverte, la question de l’émergence et des nouveaux talents. Pour créer ce nouveau temps fort, nous nous sommes inspirés notamment de Sens Interdit, festival qui a lieu à Lyon à l’automne. 

Le Départ de Zora Snake © Wolf house
Le Départ de Zora Snake © Wolf house

Laëtitia Guédon : De manière tout à fait naturelle et en lien avec nos propres lignes artistiques. Et puis nous devons tous, clairement, répondre à des enjeux très politiques qui dépassent les projets que nous défendons à l’année. En effet, nous avons aujourd’hui, en plus de nos missions, le désir, sur le plan local, d’animer un territoire, de permettre aux habitants de se déplacer vers d’autres esthétismes, d’autres cultures, d’autres horizons. De proposer, finalement, une alternative à ce qui se fait dans des institutions culturelles plus grandes que les nôtres, et où de toute façon, ils n’ont pas l’habitude d’aller. Dans cette idée de montrer ce qui se passe ailleurs dans le domaine de la création, j’ai choisi, pour ma part d’accueillir, aux Plateaux sauvages des artistes venant d’Ukraine, de Lituanie, d’Estonie et du Cameroun. C’est donc une manière d’ouvrir une fenêtre sur des réalités de production, de diffusion et d’esthétiques différentes de celles que nous connaissons. C’était aussi l’un des enjeux de ce festival.

Adrien De Van : Il est important de rappeler que dans le sillage des JO, il y a ce qu’on appelle l’héritage. Certains des projets nés à l’occasion de ce moment fédérateur, perdureront au-delà de 2024. C’est en tout cas le souhait que l’on fait pour Paris Globe. Nous avons d’ailleurs dès le départ anticipé la suite en discutant avec nos partenaires naturels sur cette aventure, l’ONDA, l’institut français notamment, d’une possible continuité dans le temps. Certainement dans le cadre d’une biennale, pour nous permettre de nous laisser le temps de préparer plus en amont, tout particulièrement au niveau du repérage. L’enjeu étant de pouvoir à terme faire faire circuler ces équipes, leur permettre d’avoir une visibilité pour ensuite pouvoir revenir avec d’autres projets. 

Laëtitia Guédon : Les JO, c’est vraiment le prétexte de la grande fête internationale, un peu populaire, c’est-à-dire que tout le monde peut se retrouver sur cet événement. Et puis par le biais de cette manifestation unique, il est possible de parler de l’international autrement, de dépasser les sujets qui nous préoccupent au quotidien pour aborder autrement le monde, ses enjeux, sa différence. Les JO c’est réunir le monde entier dans un climat non guerrier. Avec ce festival, nous notre rôle c’est d’accueillir et de mettre en lumières des artistes venant des cinq continents. 

Tafé fanga ? de Jeanne diama. Mise en scène d'Assitan Tangara © Christophe Péan
Tafé fanga ? le pouvoir du pagne de Jeanne diama. Mise en scène d’Assitan Tangara © Christophe Péan

Adrien De Van : Non, pas du tout. Je trouverais extrêmement limitatif de ne voir dans l’Olympiade culturelle que la rencontre entre l’art et le sport. Il faut, à mon sens, voir cela comme une rencontre à l’internationale. D’un côté il y a l’élite sportive, de l’autre l’avant-garde culturelle. Les deux sont tous à fait compatibles. Si certains spectacles ont dans leur propos quelque chose de très sportif, comme Jogging, Commitment Phobe ou The Mountain de la compagnie espagnole Agrupación Señor Serranod’autres vont sur d’autres terrains comme Vagabundus d’Idio Chichava ou Tafé Fanga ? Le Pouvoir Du Pagne de la Compagnie malienne Anw Jigi Art. Ce qui nous a guidé et qui est l’essence même de ce que nous avons souhaité proposer c’est la diversité des formes, des esthétiques et de permettre aux festivaliers de voyager d’un théâtre à l’autre, d’un continent à l’autre. 


Festival Paris Globe
labellisée Olympiade Culturelle
du 22 au 31 mai 2024

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