Avec Momo & Cérébos ou « la vie d’mon père », Grégori Baquet révèle une plume délicate et délicieuse à lire. Sortant du chemin classique de la biographie, avec l’idée, en « une vingtaine de tableaux, de mettre en scène quelques-unes des plus grandioses péripéties vécues par ce génie loufoque et polymorphe », le fils de Maurice Baquet emprunte, tel un alpiniste, une voix originale qui nous transporte au sommet d’une œuvre rempli d’amour et d’humour.
Un pitre sacré…
Comme il le dit en préambule, retracer la vie de Maurice Baquet, violoncelliste, acteur, sportif et fantaisiste, né en 1911 à Villefranche-sur-Saône et mort en 2005 à Noisy-le-Grand, demanderait « plusieurs volumes ». Car, évoquer la vie de cet homme c’est aussi faire un tour de piste du XXe siècle, des deux guerres, de la naissance des sports d’hiver et des compétitions de ski, des cahots politiques, du Groupe Octobre, des cabarets de Saint-Germain-des-Prés, des opérettes, du jazz… C’est évoquer Renoir, Picasso, Prévert, Frison-Roche, Gaston Rébuffat, Francis Lopez, Dizzie Gillespie, sans oublier le Beaujolais… Tel Un premier de cordée, le fiston a décidé de mener son récit par le prisme des souvenirs, enjolivés, fantasmés et véridiques, que son père et ses amis lui ont raconté. Il en ressort un ouvrage attachant, émouvant et drôle. Trois adjectifs qui définissent si bien Maurice Baquet.
Et bien sûr il y a Cérébos ! C’est le nom que l’artiste avait donné à son violoncelle. Cet instrument qui ne le quittait jamais et avec lequel il signa autant d’exploits musicaux que sportifs ! Il est le seul violoncelle à avoir déambulé sur un vélo dans les rues de la capitale, dévalé des pistes enneigées, grimpé des sommets. Avec Momo, tel Laurel et Hardy, ils formaient un duo hors pair pour déclencher des hurlements de rire. Et pour bien faire le pitre, un des prérequis, c’est bien connaître ses bases et ses classiques ! De Paris à New York, ils ont donné des lettres de noblesse à l’humour musical.
Un hommage flamboyant à l’artiste et au père
Bien qu’il parte de sa naissance pour arriver à sa disparition, Grégori Baquet n’a pas totalement suivi une ligne droite. Si le début du livre relate la jeunesse, l’apprentissage, les découvertes artistiques et les rencontres de cet artiste hors du commun, le fils va alors glisser tout schuss sur les pistes de sa mémoire et de ses propres souvenirs. Sans jamais perdre de vue son sujet, revenant sur sa propre enfance et adolescence, racontant l’ambiance à la maison, sa mère, sa sœur Anne, ses frères Dimitri et Stéphane, les dîners avec les amis, il se fait plus intime. Il en résulte une magnifique déclaration d’amour d’un fils à son père qui met gentiment la larme à l’œil.
Les illustrations de Ludovic Pozas, couleur sépia, apportent un cachet qui sied bien à celui qui fut un des meilleurs modèles du grand photographe Robert Doisneau. Grégori Baquet écrit sur un ton humoristique – les chiens ne font pas des chats – et un style très vivant. On rit beaucoup à ces évocations. Maurice ne manquait pas d’idées ni de talents pour amener sa joie de vivre partout où il allait. Tout au long de la lecture de cet ouvrage, on entend résonner le rire de Maurice Baquet. Ce rire inimitable, reconnaissable entre mille, qui était une invitation à aimer la vie !
Marie-Céline Nivière
Momo & Cérébos ou « la vie d’mon père » de Grégori Baquet, illustré par Ludovic Pozas
Éditions du Poutan
Format 17 x 23,5 cm
Album cartonné de 94 pages
Sortie le 16 mars 2024
