Claire Roussarie © Christophe Raynaud de Lage
Claire Roussarie © Christophe Raynaud de Lage

Claire Roussarie donne les clés du « Parcours à facettes »

Demain, la Comédie de Valence lance son nouveau temps fort, un moment de partage autour d’une création et de spectacles associés en raison d’une thématique commune. Rencontre avec la directrice adjointe du CDN valentinois.

Claire Roussarie : Tout simplement, on s’est rendu compte que la plupart des spectacles que nous programmions, à l’instar d’ailleurs des autres théâtres, était en lien souvent direct avec des questions de société, des interrogations sur l’époque que nous traversions. Avec Marc Lainé, directeur de la Comédie, nous nous sommes dit que cela pourrait être intéressant d’imaginer un temps fort dans la saison, où une thématique serait abordée et qu’autour d’une création, une constellation de spectacles sur le même sujet viendrait y faire écho. Il nous a semblé que cela pourrait être pertinent de proposer dans ce cadre, un parcours pour le spectateur, resserré sur quelques jours pendant lesquels il pourrait voir plusieurs œuvres qui évoqueraient une question d’actualité mais sous des angles et des formes différents. La notion de type et de forme de spectacle est centrale. Pour la traversée que nous souhaitions proposer, il semblait logique de multiplier les regards, les approches, qu’elles soient théâtrales, dansées ou performatives, par exemple. 

Le temps des fins de Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage
Le temps des fins de Guillaume Cayet © Christophe Raynaud de Lage

Claire Roussarie : En effet, et c’est très important cette notion de temps fort, car comme je viens de l’évoquer c’est vraiment un moment à part de la saison autour d’une création. Cela nous laisse la souplesse de changer de dates. Cette année c’est au printemps autour du Temps des fins de Guillaume Cayet dont la première aura lieu demain le 22 mai, mais l’année prochaine cela pourrait être à l’automne ou en hiver, tout va dépendre du thème que nous souhaitons mettre en lumière. Nous avons vraiment pensé ce parcours à facettes, comme une agrégation de propositions qui va de l’artistique à l’atelier de pensées, qui convoque par endroit le participatif, le collectif et le festif.

Claire Roussarie : Le temps fort tournant autour de la pièce de Guillaume Cayet, nous sommes partis de ce que lui souhaitait aborder, en l’occurrence les nouvelles formes de résistance. Artiste associé du CDN à partir de l’an prochain, il a choisi la fable poétique comme médium, pour évoquer l’histoire d’une forêt vouée à être rasée. Il en esquisse le récit à travers le regard de plusieurs personnages, un chasseur qui y effectue sa dernière battue, des zadistes qui tentent en vain d’en empêcher la destruction la veille de son démantèlement et enfin une famille qui se retrouve sur le lieu, quinze ans plus tard, à l’aube d’une catastrophe. Au plateau, Marie-Sohna CondéVincent Dissez et Mathilde Weil incarneront ces différents personnages en lutte pour éviter le pire, les drames annoncés, pour enrayer la machine exterminatrice de la nature, d’un mode de vie. Toute la pièce est imprégnée par la pensée de l’écrivain britannique Fredric Jameson, qui estime « il est plus facile d’imaginer une fin du monde que celle du capitalisme. »

Soulèvement de Tatiana Julien © Hervé Goluza
Soulèvement de Tatiana Julien © Hervé Goluza

Claire Roussarie : Guillaume ayant choisi de traiter son sujet de manière très littéraire, presque poétique, il nous a semblé qu’il serait intéressant d’aller sur des formes plus performatives, notamment comme Soulèvement de Tatiana Julien ou tirant sur le théâtre agora et documentaire comme Dispack Dispac’h de Patricia Allio. L’idée était vraiment d’évoquer plusieurs formes de résistance, de montrer comment l’art vivant et les artistes s’emparent de ces sujets qui résonnent avec l’actualité. L’une parle de sa révolte face à un monde qui ne lui correspond plus, l’autre propose à travers des témoignages qui évoquent les personnes en exil et la violence à laquelle elles sont confrontées.

Claire Roussarie : Nous avons notamment demandé à Alice Zeniter, autrice associée à la Comédie, d’imaginer pour l’occasion une version thématisée de La Bande des mots, une sorte de cycle de lecture musicale à partir de textes non dramatiques. En général, nous proposons quatre soirées de ce type par an. Il nous a semblé opportun qu’une ait lieu au moment du Parcours à facettes. Dans ce cadre-là, Elle a choisi de s’emparer duNom du monde est forêt d’Ursula Le Guin.

En parallèle, au Lux Scène nationale, qui nous accompagne sur cette première édition, sera présentée La Fleur de Buriti deJoão Salaviza et Renée Nader Messora, qui était l’an passé, en sélection au Festival de Cannes dans la catégorie « un certain regard. » Ce film parle d’un peuple autochtone de la forêt amazonienne qui fait face à la destruction de son habitat. Et puis pour le pendant plus festif de ce temps fort, nous avons proposé à un collectif de DJ Valentinois qui s’appelle Still Diggin, de réfléchir à la question de la résistance.

DISPAK DISPAC’H de Patricia Allio © Christophe Raynaud de Lage
DISPAK DISPAC’H de Patricia Allio © Christophe Raynaud de Lage

Claire Roussarie : En effet dans les cadres des Foyers de la pensée qu’anime tout au long de l’année Tünde Deak, et qui vise à proposer un moment de rencontre et de réflexion avec de grandes figures intellectuelles contemporaines autour de certains des thèmes majeurs qui traversent la saison, nous avons souhaité en mettre un en place, en lien avec les formes de résistances qui animent notre société. Elle a décidé de recevoir Frédéric Gros, qui est philosophe, professeur de pensée politique à Sciences Po Paris et auteur notamment de Désobéir (2017),La Honte est un sentiment révolutionnaire (2021) ou encore Pourquoi la guerre ? (2023). Ensemble, ils ont choisi d’aborder la désobéissance civile dans les démocraties, un sujet qui est au cœur de ces réflexions. Ils seront rejoints par Guillaume Cayet, Patricia Allio et Tatiana Julien, qui apporteront leurs regards et leurs propres expériences au débat. 

En même temps, et c’est une nouveauté, Tünde Deak va accompagner tout au long du Parcours à facettes, un petit groupe de 12 spectatrices et spectateurs, des habitués mais aussi des personnes qui ne sont jamais venus au théâtre. L’objectif est d’échanger avec eux sur les spectacles qu’ils auront vus, notamment au cours de l’Agora de la Comédie, qui se tiendra à la fin du temps fort. Pour ce nouveau dispositif, nous nous sommes associés à une radio locale, qui relayera sur les ondes le débat. On attend beaucoup de ce nouveau rendez-vous participatif. Il va dans le sens du projet porté Marc (Lainé) rassembler et dépasser le cadre de l’institution pour aller à la rencontre d’autres publics.


Parcours à facettes
La Comédie de Valence
Place Charles Huguenel
26000 Valence

du 22 au 31 mai 2024

Teaser du Temps des fins de Guillaume Cayet © La Comédie de Valence

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