Comment est né ce festival dédié à la danse ?
Sandrine Mini : D’un désir de fédérer les publics autour d’un moment joyeux de partage. La danse a ce pouvoir étrange de permettre d’échanger, de vivre et de vibrer et de se laisser porter. Il nous a semblé judicieux de proposer aux Sétoises, aux Sétois, mais aussi à tous les habitants du bassin de Thau, un temps fort durant lequel ils pourraient non seulement avoir un rapport direct avec les artistes, autour d’ateliers par exemple, mais aussi d’être au cœur du processus créatif dans le cadre de pièces participatives. C’est d’autant plus important cette année, que nous avons été sélectionnés, pour être l’une des trois villes, avec La Rochelle et Château-Thierry, à accueillir le 1 km de danse, manifestation initiée par le Centre national de la Danse à Pantin. C’est une première et nous sommes très fiers de faire partie de cette aventure, qui devrait être l’un des points d’orgue de cette édition.
Qu’est est la spécificité de ce festival ?
Sandrine Mini : donner la possibilité à des artistes dont la parole est forte et engagée de s’exprimer et de présenter leur travail devant un public curieux et passionné. Au programme de cette édition 2024, nous avons notamment la São Paulo Dance company qui propose avec Aquarela do Bresil de revisiter les danses traditionnelles brésiliennes autour de quatre jeunes chorégraphes. La spécificité de cette compagnie dirigée par Inês Bogéa est d’accueillir en son sein des jeunes issus de quartiers défavorisés et de leur offrir la possibilité de se former à la danse. Il y a donc au-delà du programme proposé, une dimension de transmission, qu’il était important pour nous de soutenir.
Par ailleurs, nous avons fait le choix de présenter Tropique du Képone, pièce très politique de Myriam Soulanges et Marlène Myrtil. Les deux artistes ultramarines, qui ont été en résidence dans nos murs et dont la première métropolitaine se fera chez nous, avant d’aller à l’Atelier de Paris-CDCN dans le cadre du festival June Events, évoquent l’utilisation du chlordécone et ses conséquences sur les corps. Nous sommes aussi très heureux de pouvoir montrer dans différents lieux autour de l’étang de Thau la nouvelle création de Yves Mwamba, Hip Hop Nakupenda, dont nous avons découvert une première étape de travail cet été à Avignon, dans le cadre de la Belle-Scène-Saint-Denis. Il y évoque avec beaucoup d’émotion les conflits qui émaillent l’histoire de son pays d’origine la République du Congo et notamment la guerre des six jours de Kisangani. Mais sa grande force, c’est de faire avec un tel sujet, chanter et danser le public.
Qu’est-ce que le kilomètre de danse ?
Sandrine Mini : c’est un événement XXL qui se déroule dans l’espace public de la fin de la matinée jusqu’à minuit. Le matin, les festivaliers seront conviés à une traversée de l’étang de Thau qui les mènera de Sète à Bouzigues. À Bouzigues, on découvrira les créations d’Yves Mwamba ou celle de Yann Lheureux, Autrement qu’ainsi. Puis retour à Sète pour un grand échauffement collectif concocté par Sylvain Groult, le directeur du Ballet du Nord.
Sur 3 scènes installées sur 1 km, du parvis de la gare de Sète en passant par celui du théâtre Molière jusqu’au pont de pierre, 21 équipes vont se relayer proposant des spectacles imaginés par les écoles de danse du territoire, les compagnies professionnelles et associations d’amateurs. C’est un mix de tout ce qui est possible de voir en danse, une vraie fête du mouvement. Il y en aura pour tous les goûts, toutes les envies, du hip-hop aux danses traditionnelles occitanes en passant par le tango, le swing ou encore la danse sur rollers. En fin de journée devant le parvis du Théâtre, le public pourra assister À Nos Combats de Salia Sanou, un spectacle qui s’inspire du célèbre match qui opposa en 1974 à Kinshasa, Mohamed Ali et Georges Foreman et dont le texte a été écrit par Dieudonné Niangouna. La journée se terminera en beauté avec Le bal chorégraphique de Sylvain Groult, suivi d’un DJ set.
Quels sont les autres grands moments de ce festival version 2024 ?
Sandrine Mini : Nous allons reprendre, En son lieu, le beau solo que Christian Rizzo a écrit pour Nicolas Fayol, ainsi que la très envoûtante pièce de Radhouane El Meddeb, Amour-s, où un trio de danseurs se laisse porter par les musiques jouées en direct par un pianiste et les poèmes de Khalil Gibran. Enfin, j’ai souhaité présenter la nouvelle création d’une jeune chorégraphe qui s’appelle Jehane Hamm Saïhi et qui travaille notamment sur la question de la répercussion des langues maternelles sur les corps. Tout son processus créatif tourne autour de la manière dont son corps et sa manière de se mouvoir ont été façonnés par la langue arabe, qui est celle de sa mère. Pour cette pièce intitulée Naqs – qui signifie en arabe « ce qui manque » - Elle est accompagnée au plateau de la vibrante chanteuse Alima Hamel, qui a notamment travaillé avec Aurélien Bory. Je pense que cela va être un très beau moment, plein d’émotions. Tous ces moments singuliers, ces récits de vie dansés, sont annonceurs d’une édition pleine de vie et d’émotions.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Alors on danse !
Théâtre Molière – Sète, Scène nationale Archipel de Thau
Avenue Victor Hugo
34200 Sète
du 16 au 30 mai 2024
