Vincent Fontano © Maison de la Culture d'Amiens
© Maison de la Culture d'Amiens

Vincent Fontano de retour à Amiens

Pendant le festival Amiens Tout-Monde, l'auteur et metteur en scène réunionnais présente une version in progress de Grand Blanc, sa prochaine pièce, dont la création est prévue pour la saison prochaine.

C’est en Afrique du Sud que Vincent Fontano a situé Grand blanc. Mais ce pas de côté ne vise pas tant à raconter dans ses détails un bout de cette histoire nationale qu’à signaler une bonne fois pour toutes que se joue dans ses pièces une tragédie universelle. L’auteur, metteur en scène et comédien a fait ses premières œuvres à la Réunion, et une partie de son travail est traversée par l’histoire de l’île, jusqu’à récemment. Il signe désormais son troisième texte en langue française. Et si ce changement est le produit d’une difficulté à faire produire et diffuser le théâtre en langue créole, il aura permis un pont avec la métropole dont on peut se réjouir, après une première présentation l’année dernière dans la maison amiénoise dont il est associé, puis au Train bleu d’Avignon, notamment.

Des monologues juxtaposés dans l’urgence de Loin des hommes jusqu’aux répétitions de Grand Blanc — les « regarde-moi, regarde-moi » d’une fille, les « pourquoi, pourquoi ? » d’un père —, son écriture va vite, presque au-devant d’elle-même. Cette même hâte a transformé la chose prévue, une lecture de texte en cours d’achèvement, en une version déjà « théâtralisée », bien qu’éphémère. Neuf volontaires piochés dans l’entourage de la MCA faisaient office de chœur pour raconter ce face-à-face à la formule presque antique, et les chaises disposées au milieu et sur les bords du plateau invitaient le public à se mêler aux interprètes (Annabelle Lengronne, Fred Egginton et Fontano lui-même), perdus avec les personnages dans une forêt sans décor.

L’histoire, c’est celle d’un père qui a fui, et l’homme noir errant dans la forêt nocturne reçoit la visite d’une fille qui dit être son enfant. Pourtant la fille a déjà un père, mais celui-ci est blanc et ne lui ressemble pas, alors un conflit de loyauté s’impose pour elle, puisque chaque père lui demande de tuer l’autre. On est à la fin de l’apartheid sud-africain, et ce face-à-face cristallise une fracture irréconciliable jusque dans les cœurs. Le théâtre de Vincent Fontano est fait de clignotements, d’apparitions et disparitions, comme le vacillement d’une flamme dans la nuit noire. Cette tendance à l’ellipse déshabille l’allégorie a son squelette ; il reviendra à la mise en scène, prévue pour une création la saison prochaine dans la même MCA, d’y insuffler texture et détails.

Que Fontano fasse le pont entre la Réunion et le contexte sur-africain tombe bien, car le festival Amiens Tout-Monde de la MCA est voué à la mise en avant de questions décoloniales à travers une perspective internationale, qui fait converger les interrogations sans sacrifier les différences de contexte. Ainsi d’une discussion programmée par le collectif Beyond the post-soviet avant la lecture, qui mettait en vis-à-vis la question du déboulonnage des statues en Ukraine et en Martinique : décolonisation d’un côté, décommunisation de l’autre.


Lecture de Grand Blanc de Vincent Fontano
Festival Amiens Tout-Monde
Maison de la Culture d’Amiens
Du 2 au 5 avril 2024
Durée 1h

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