Sophie Tellier © Bruno Perroud
© Bruno Perroud

Sophie Tellier, un rayon de soleil

La comédienne, chanteuse, danseuse et chorégraphe arrive au Lucernaire avec son très beau spectacle, Chère Insaisissable, sur Liane de Pougy, que l’on avait découvert l’été dernier dans le Off d’Avignon. C’est avec toute sa franchise, sa joie et sa spontanéité que cette belle artiste est revenue sur son parcours.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Le ballet classique. Noureev et Noëlla Pontois au Palais des Sports dans La Belle au Bois Dormant.

Quel déclencheur vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
La danse, bien sûr. On m’y a mise très tôt, en même temps que ma sœur aînée, pour canaliser une énergie… inextinguible !

Sophie Tellier © Anne Gayan
Chère insaisissable © Anne Gayan

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
A un moment de ma carrière de danseuse, alors que l’on m’employait la plupart du temps comme personnage et non comme corps de ballet — j’avais un physique qui ne rentrait pas dans les cases — j’ai eu besoin de passer à la parole. J’avais été bercée par les comédies musicales depuis l’enfance, et j’ai toujours eu le goût de me déguiser, d’être quelqu’un d’autre que moi. Le besoin impérieux d’être sur scène s’est développé très tôt, et ce besoin s’est affiné avec l’envie de m’exprimer avec les mots d’auteurs ou d’autrices, de vivre la vie d’autres femmes, plus intéressantes peut-être, et d’exprimer un trop-plein, un bouillonnement intérieur. Il y a eu une évidence, puis d’autres, et tout s’est enchaîné assez naturellement.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
J’avais huit ans. Mon premier gala de danse, devenu le rituel le plus important de ma vie enfantine. Je dansais un menuet de Mozart en pas de deux avec le seul petit garçon de l’école. La joie procurée par l’osmose entre le mouvement, la musique, et l’accueil fabuleux du public, c’était le bonheur absolu ! C’est devenu une passion. Une obsession !

Sophie Tellier © Cyril Valroff
Dans le rôle de Nell Gwynn dans Belles de scène de Jeffrey Hatcher, mise en scène Stéphane Cottin © Cyril Valroff

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
J’ai la chance d’en avoir eu beaucoup : Mnouchkine (Le Caravansérail), Patrice Chéreau (Phèdre, Cosi Fan Tutti), Jacques Lassalle (La Serva Amorosa), Michel Fau (Le Misanthrope), Jean-François Sivadier (Le Mariage de Figaro), Joël Pommerat (Les Marchands), Jean-Christophe Dollé (Je vole… et le reste je le dirai aux ombres) Léonore Confino (Le Village des Sourds)…

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Il y en a tellement… Déjà, la directrice de l’école de danse qui m’a octroyé une bourse, Nicole Chirpaz. Et puis j’ai eu un papa de la danse, Redha, et un de la comédie musicale, Alain Marcel. Puis des rencontres décisives avec des metteurs en scène qui m’ont fait évoluer, Philippe Calvario, Jean-Luc Revol, Stéphane Cottin, Thomas Le Douarec, Jérémy Circus, Jacques Lassalle… J’ai eu la chance d’appartenir à des « familles », qu’on retrouve avec tellement de bonheur de projet en projet. Je n’ai pas fait d’études théâtrales à proprement parler donc j’apprends à chaque fois énormément du metteur en scène et de mes partenaires : Xavier Gallais, Anne Bouvier, Michel Aumont, Jane Birkin, Zizi Jeanmaire, Jérôme Pradon, Vincent Heden… et tellement d’autres. Et aussi des troupes, celles de Peter Pan, Nine, Savary, Roberto Zucco, Camille C., Belles de Scène, Le Chevalier et la Dame

Sophie Tellier © Pascal Victor
Dans Roberto Zucco de Koltès, mise en scène Philippe Calvario aux Bouffes du Nord © Pascal Victor

En quoi votre métier est-il essentiel à votre équilibre ?
Plus jeune, à la fois impressionnable et spontanée, perçue comme ingénue, légère et joyeuse, je me suis souvent sentie complexée, impulsive, écervelée et maladroite. Mon métier m’a construite. Je me sens à présent riche de tous les personnages que j’ai incarnés, de tous ces voyages dans la vie d’une autre. C’est l’endroit où quelque chose s’aligne, se canalise… où je progresse, où je m’épanouis, où je prends confiance. L’endroit où peut-être on va m’accepter, m’aimer, par le truchement d’un autre personnage rempli de petits bouts de moi. Grâce aux personnages, on accède à l’expression de choses parfois impossibles à dire dans la vie. On peut défendre des personnages condamnables par la morale et la société, on devient extensible… On peut y défendre sa propre idée du monde. Et comme pour moi la pièce et l’équipe sont indissociables, mon métier, c’est aussi la troupe. En somme, c’est l’endroit où je peux développer le meilleur de moi-même, être moi mais en mieux !

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Les autres ! La vie de certaines personnes. L’histoire, le passé sont une grande source d’inspiration pour moi. J’aime aller à la rencontre des générations passées, je me sens prolongée en amont par le passé… terriblement et merveilleusement reliée à celles qui m’ont précédé ! La lecture aussi, et puis la musique, la peinture, les images… Je suis une grande iconographe !

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Vital ! Un peu de l’ordre du sacré… Aller à la rencontre d’un personnage, lui donner corps, créer des liens avec lui… Tout ça me remplit, me fait me sentir vivante. Je me sens chez moi, c’est mon monde. C’est très physique. La vibration du plateau, les autres comédiens, se laisser surprendre, que quelque chose s’échappe, que l’inconscient s’exprime… Même si on n’est pas toujours content de ce qui s’est passé, demain on fera mieux et on touchera peut-être la grâce du bout des doigts ! On ne sait pas !

Sophie Tellier - Affiche Chaillot © DR
Photo de l’affiche de la saison 1999-2000 du Théâtre National de Chaillot, dirigé par Jérôme Savary © DR

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Le cœur… J’aime partager.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Léonore Confino, Pauline Bureau, Valérie Lesort, Jean-Christophe Dollé… Il y a beaucoup d’artistes que j’admire et avec qui j’aimerais travailler. Ceux qui font battre le cœur… et qui me choisiraient et auraient envie de modeler ma pâte ! Ceux qui vont m’emmener ailleurs. J’aime les rencontres, l’inattendu, être surprise, Je veux garder l’exigence d’être dans des projets dont je suis fière.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Mon rêve actuel est déjà de continuer à jouer ma pièce Chère insaisissable en 2026, au Petit Saint-Martin par exemple ! Et un projet fou, dans le musical, serait de participer à un revival de Sunday in the park with George de Sondheim dans le rôle de Dot, avec Lambert Wilson, pourquoi pas ? Et au théâtre, un Tchekhov… La Cerisaie.

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Une comédie musicale, Singing in the rain. Un film, Barry Lyndon. Une peinture de Klimt, Les larmes de Freya ! Qu’en pensez-vous ? Je voudrais toujours tout embrasser…


Chère insaisissable de Sophie Tellier.
Lucernaire
53 rue Notre-Dames-des-Champs
75006 Paris
Du 1er mai au 30 juin 2024.
Durée 1h20.

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