Marilù Marini appartient au fameux cercle des Argentins de Paris aux côtés d’Alfredo Arias, Copi ou Jorge Lavelli, tous ces jeunes artistes obligés de fuir la dictature et la répression de leur pays dans les années 1970. C’est Alfredo Arias, dont elle était l’égérie, qui la fit venir à Paris pour qu’elle reprenne sa place au sein de sa compagnie, le Groupe TSE. Depuis, la comédienne n’a eu de cesse de nous surprendre par la qualité inventive et sensible de son jeu. On comprend très bien les raisons qui ont poussé Sandrine Dumas — qui a eu l’occasion de lui donner la réplique — à lui rendre ce bel hommage.
Ce n’est pas un portrait biographique classique, mais une invitation à mieux comprendre ce qui constitue une immense comédienne, mais aussi une femme. C’est également un travail sans filtre sur l’acceptation du temps et de son usure. De son intimité, peu de choses seront dévoilées, juste des bribes délivrées avec pudeur. L’essentiel est dans ce qui est difficile à capter en temps ordinaire : le talent. Car Marilù Marini appartient à la race des monstres sacrés. Dès les premières images, c’est ce qui saisit.
La joie de vivre en étendard…
Cette ex-danseuse sait tout faire de son corps et de son visage. Telle une Giulietta Masina, elle est une clown qui sait jouer la tragédie. C’est impressionnant de la voir travailler avec Pierre Maillet dans la pièce de Fassbinder, Le Bonheur (n’est pas toujours drôle), de la revoir dans les excellentes mises en scène d’Arias, La Femme assise de Copi, Mortadela, Peine de cœur d’une chatte anglaise…
La caméra de Dumas passe sur la comédienne, sur ses souvenirs, ses silences avec une douceur qui rend attachante une artiste qui n’a jamais travaillé pour la gloire, mais pour l’art et le plaisir de partager. Une actrice qui jouera tant qu’elle le pourra parce que c’est sa raison de vivre. Si, au début du film, on craint de ne pas être dans leur histoire à toutes les deux, très vite, captivés par ce que nous découvrons, nous nous sentons des leurs. Il est question de théâtre, mais aussi de l’exil, du retour au pays, des amitiés, des ruptures amicales, des absents, de la jeunesse, de la vieillesse. On ne peut que conseiller la jeunesse d’aller prendre une belle leçon, car ce film célèbre la vie, l’art dramatique, à travers les yeux et le corps d’une femme admirable.
Marie-Céline Nivière
Marilù. Rencontre avec une femme remarquable, film documentaire de Sandrine Dumas.
Sortie en salle le 24 avril 2024.