La blessure et la soif - Fanny Ardant © Émilie Brouchon
© Émilie Brouchon

« Le blessure et la soif » : Fanny Ardant, ardente dans la passion

Après quatre ans d’absence, la divine comédienne revient au théâtre avec "La Blessure et la soif" de Laurence Plazenet, dans une mise en scène soignée de Catherine Schaub.

Après des années à se consacrer au cinéma, Fanny Ardant aime revenir sur les planches. En général, c’est avec Duras qu’elle fait cette pause : La Passion suspendue, Hiroshima mon amour, La Maladie de la mort. L’actrice aime les mots ciselés et la musicalité des phrases, laquelle sied si bien à sa voix et à sa locution magnifique. S’emparant des textes avec gourmandise, elle met à leur service tout son talent pour les faire vivre et faire vibrer le spectateur. Avec La Blessure et la soif, pièce tirée du livre éponyme de Laurence Plazenet, l’actrice plonge au cœur du XVIIe siècle pour nous relater une grande histoire d’amour contrariée.

Du roman, très dense, la version scénique n’aura gardé que l’étrange relation entre Mme de Clermont et le chevalier de la Tour. Dans un style qui évoque les auteurs du XVIIIe siècle comme Choderlos de Laclos (Les Liaisons dangereuses), Bernardin de Saint Pierre (Paul et Virginie) ou Voltaire (Zadig), la pièce donne la parole à la belle amoureuse, mettant ainsi en lumière la condition des femmes de l’époque.

Orpheline mais de bonne lignée, elle a été élevée au couvent dans une foi ardente. Alors que son destin semble tout tracé dans la maison de Dieu, on l’en sort à quinze ans pour épouser un homme de « trois fois son âge », à qui elle donnera quatre garçons. De l’amour, elle n’en connaît rien, jusqu’à l’arrivée du chevalier. Sa découverte de l’homme et du chambardement des sens constitue l’un des plus beaux passages du spectacle.

La blessure et la soif - Fanny Ardant © Émilie Brouchon
© Émilie Brouchon

La Fronde gronde, mettant en danger le pays. Le chevalier, blessé aux combats, défiguré est un pur produit de cette période où la religion pèse de toutes ses forces. En recherche d’absolutisme, de La Tour, qui semble avoir quelques airs du Misanthrope, a aussi tout d’un janséniste. Autant le dire, le personnage n’a rien de l’image d’Épinal du prince charmant. Mais, pour Mme de Clermont, il est celui qui lui a révélé la passion — pas celle du Christ, évidemment !

Ayant peur de se faire prendre par le mari, mais aussi par crainte du jugement et de la colère divine, l’amant fuit se terrer au bout du monde. Quand, des années plus tard, il revient en France, c’est pour s’enfermer à Port-Royal dans la religion. Pendant ce temps-là, songeant à la vanité de l’existence, sa maîtresse continue de le vénérer. On a connu des histoires d’amour plus passionnantes à écouter.

Le récit débute par la fin, la mort du Chevalier. Mme de Clermont, portant une majestueuse robe de circonstance, ouvrage de toute beauté de Michel Dussarat, est en deuil. Tout comme sa maison, représentée par une pièce de son château où tous les meubles sont drapés de tentures noires. La scénographie de Jean Hass est remarquable. La nuit étant tombée, seule la lune veille par la fenêtre, la pénombre règne sur la scène. La création lumière de César Godefroy est admirable.

Dans cette boîte noire, mise en scène subtilement par Catherine Schaub — qui toutefois aurait pu éviter de souligner certaines actions — Fanny Ardant irradie en femme amoureuse, fidèle à ses sentiments, cherchant avec courage à comprendre le sens de son existence. En ce soir de première, sa prestation remarquable a fait lever d’un seul bond la salle, laquelle, dans un tonnerre d’applaudissements, a célébré comme il se doit… une reine.


La blessure et la soif de Laurence Plazenet, d’après son roman paru aux Éditions Gallimard.
Studio Marigny
Carré Marigny
75008 Paris.
Du 16 avril au 1er juin 2024.
Durée 1h25.

Mise en scène de Catherine Schaub.
Avec Fanny Ardant.
Scénographie Jean Hass.
Costume de Michel Dussarrat.
Lumières de César Godefroy.
Musiques d’Armand Amar.
Maquillage de Mina Matsumura.
Coiffure de Jean-Jacques Puchu-Lapeyrade.

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