La Bande à (Laura) de Gaëlle Bourges © Danielle Voirin
© Danielle Voirin

La bande à (Laura), la plongée féministe et picturale de Gaëlle Bourges 

À la manière d’une archéologue, la danseuse et chorégraphe interroge la place des femmes dans l’histoire de l’art du XVe siècle à nos jours. 

Qui se cachent derrière l’Olympia de Manet et sa camériste ? La célèbre toile, qui fit scandale au salon de 1865, dissimule bien des secrets et invite à une réflexion sur la place des femmes dans l’art et dans la société. Partant de cette œuvre emblématique où le peintre expose à la vue de tous une prostituée — fait rare à l’époque —, Gaëlle Bourges poursuit une exploration critique de la peinture occidentale entremêlée d’histoire féministe. Considérées comme des enfants dans le code Napoléon, ainsi que le rappelle la voix off qui guide le spectateur dans cette immersion fascinante dans l’histoire de l’art, elles n’ont pas le droit de cité, de porter le pantalon ou tout simplement de jouir de la même liberté que les hommes.

Devant une telle discrimination, la danseuse et chorégraphe puise dans des chefs d’œuvre accrochés aux cimaises des plus grands musées du monde pour mettre en lumière un état de fait, l’objetisation de femme, voire son invisibilisation. Ainsi, qui se souvient ou a même su un jour que Victorine Meurent, modèle préférée de Manet, est elle aussi peintre ? De même, pour la belle Laure, qui posa pour incarner sous les pinceaux du peintre la femme de chambre noire en robe blanche qui apparaît au second plan du tableau, peu de gens savent qui elle est vraiment. 

La Bande à (Laura) de Gaëlle Bourges © Danielle Voirin
© Danielle Voirin

Avec un sens aigu de l’espace et une connaissance experte en art, Gaëlle Bourges recrée au plateau une série de tableaux emblématiques, tel Le déjeuner sur l’herbe de Manet, Un Atelier aux Batignolles de Fantin-Lantour qui réunit toute la fine fleur artistique de l’époque — pas une femme n’y est représentée — ou la Vénus d’Urbino du Titien. Sans avoir recours à la vidéo où d’autres artifices que la reconstruction minutieuse des compositions picturales, elle s’appuie sur la gestuelle lente de quatre performeuses — Carisa BledsoeTatiana Gueria NadeHelen Heraud et Julie Vuoso — et quelques accessoires savamment disposés pour que s’anime devant les yeux ébahis du public ces quelques peintures emblématiques.

Destinée avant tout à un jeune public, La bande à (Laura) est une performance plastique autant pédagogique que fascinante. Par le biais de cette revisite contextualisée, Gaëlle Bourges trame un autre récit que celui ancré dans nos mémoires nourries au lait patriarcal. Avec délicatesse et ingéniosité, elle signe un objet à l’esthétisme certain qui met magistralement en lumière les grandes oubliées de toujours, les femmes !


La bande à (Laura) de Gaëlle bourges
Pièce créée le 6 octobre 2021 à L’échangeur – CDCN Hauts-de-France, dans le cadre du festival C’est Comme ça !
La ferme du Buisson
allée de la Ferme
77186 Noisiel
le 5 avril 2024
Durée 1h10 environ 

conception & récit deGaëlle Bourges
avec Carisa Bledsoe, Tatiana Gueria Nade, Helen Heraud, Julie Vuoso
chant-  toutes les performeuses
accompagnement pour le chant – Olivia Denis
robes d’Anne Dessertine
costumes & accessoires de Gaëlle Bourges & Anne Dessertine
lumière d’Abigail Fowler
musique de Stéphane Monteiro a.k.a XtroniK + Marie Jaëll (Valses mélancholiques : No 1, Pas trop lentement ; Six esquisses romantiques pour piano : No 1, Les ombres ; Six esquisses romantiques pour piano : No 3, Métamorphose) + Chiquinha Gonzaga, air de Atraente+ Giuseppe Verdi (La Traviata, Acte 3, Prélude)

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