À quelques jours de son 80e anniversaire, Alexis Gruss a quitté définitivement la piste aux étoiles qu’il a tant aimé. En pensant à lui nous reviennent son sourire, ses beaux yeux, son regard à la fois empreint de bienveillance et de malice : de ce grand artiste au charme fou, on aimait la bonté, la bonne humeur et la douceur.
Viens, voir les équestriens
Issu d’une longue et belle lignée de circassiens, l’artiste était à son aise sous le chapiteau, en Monsieur Loyal comme en clown Auguste. Mais c’est surtout dans l’art équestre qu’il a marqué son époque. Chez lui, le cheval, cette merveilleuse conquête de l’homme, était magnifié. Qu’ils soient purs sangs arabes, Falabellas argentins, Frisons hollandais ou Boulonnais, ces chevaux se révélaient avec lui dans leur grande beauté, racés et nobles. À chacun de ses spectacles, les numéros de dressage, de cavalerie, de danses équestres ou de carrousel se succédaient dans un tourbillon. Comme il aimait le rappeler, ses compagnons de jeux n’étaient pas dressés mais éduqués avec amour, passion et tendresse. Aujourd’hui, les cinquante artistes équins doivent se sentir bien seul dans leur écurie.
Dans la plaine, les baladins…
Le cirque Alexis Gruss venait de fêter ses cinquante ans, avec une nouvelle version des Folies Gruss, sous ce beau chapiteau implanté, comme tous les hivers, aux bois de Boulogne. En 1974, alors tout juste âgé de trente ans, le jeune artiste, sous la protection de la comédienne Silvia Monfort, crée son premier spectacle intitulé Cirque à l’ancienne, dans la cour de l’hôtel Salé. Depuis, le succès fut toujours au rendez-vous.
La qualité de son travail et son rayonnement dans le monde entier furent reconnus, dans les années 1980, lorsqu’il reçut la prestigieuse labellisation de Cirque National. S’il a redonné ses lettres de noblesse à ce cirque à l’ancienne, il n’en était pas moins moderne et innovant. Il célébrait cet art ancestral des saltimbanques, ceux qui, comme Apollinaire les décrivait dans son poème, « s’éloignent au long des jardins… par les villages sans églises… », avec « leurs poids ronds ou carrés, des tambours, des cerceaux dorés… ».
La relève est assurée
Lorsque l’on songe à Alexis Gruss, on pense aussi à la famille. À sa femme, la belle Gipsy, née Bouglione, sa reine depuis leur mariage en 1970. Écuyère majestueuse, mais également dresseuse impayable de chiens cabotins. Il y a les enfants, Stephan, qui a hérité de toute la grâce de son père, Firmin et Maud, des artistes complets élevés dans le sérail du cirque.
En 2000, dans les tourmentes de la grande tempête, après un de ses spectacles, on pouvait apercevoir deux bouts de chou en train de travailler. « Voici la nouvelle génération », nous soufflait alors Alexis avec un sourire plein de fierté. C’était ses petits-fils, Charles et Alexandre. Sont ensuite arrivés Louis, Joseph, Jeanne, Célestine, Gloria et Vénicia. On pense aujourd’hui à leur peine. Mais the show must go on, et l’on sait que grâce à leurs talents et leur passion, le nom de Gruss va continuer à briller de ses milles feux.