Laura London © Geoffroy Lasne
Laura London © Geoffroy Lasne

À Villeneuve d’Ascq, 100 % Magie fait un tabac

Hors-les-murs pour travaux, la Rose des Vents, sous l’impulsion de sa nouvelle directrice Audrey Ardiet, invite les habitants de la métropole lilloise à plonger dans l’univers de l’illusion pour la première édition d'un temps fort consacré à la magie nouvelle. 

À l’espace Concorde, équipement municipal dédié à la culture et la médiation, la Rose des vents a posé ses valises le temps de deux soirées exceptionnelles. Dans le cadre de la première édition du festival 100% Magie, Thierry Collet de la Cie La Phalène joue les maître de cérémonies. Reprenant le concept devenu l’une de ses marques de fabrique qui font les belles nuits des Magic Wip de la Villette, les Magic Nights, il propose aux spectateurs une expérience déambulatoire à la rencontre de performances d’une vingtaine de minutes environ autour de l’art de l’illusion. 

Alors que les coupes budgétaires font planer sur le spectacle vivant une épée de Damoclès de plus en plus menaçante, Audrey Ardiet, initié par Audrey Ardiet, la directrice de la Scène nationale, à l’origine du festival, fait le pari d’ouvrir sa saison à de nouvelles disciplines. Et d’affirmer un projet ancré dans le territoire capable de capter de nouveaux publics. « Le fait d’être nomade, depuis deux ans maintenant, explique-t-elle, oblige à être inventive, à prendre des chemins de traverse, à aller vers des projets différents, chercher ce qui manque dans le panel de propositions artistiques. Depuis longtemps, la magie nouvelle m’intéresse, notamment, car elle invite à voir différemment, à se laisser surprendre et à proposer des rendez-vous plus familiaux. Cela fait maintenant quinze ans que je connais Thierry Collet, que j’ai associé à cet événement. J’ai suivi son parcours et ce qu’il a réussi à développer à la Villette à Paris, a été très inspirant. Par ailleurs, même si la discipline est encore rare sur les scènes nationales, elle est un art du spectacle tout comme le théâtre ou la danse. De plus en plus hybride, elle permet d’aborder différemment le rapport à la scène. » 

Plus intime, propice à un échange direct avec le public, la magie est un moment à part où le quatrième mur se brise et où le public fait partie intégrante du spectacle. Souvent, il est convié à monter sur scène ou du moins à participer pour que le tour fonctionne, pour que l’illusion opère. À voir le hall plein, il est certain que la discipline attire et séduit les grands comme les petits. Imaginées comme des dispositifs immersifs, les Magic Nights proposent aux spectateurs de s’initier aux côtés de Marc Rigaud à quelques tours simples, à tenter des expériences en solitaire dans « cabines à tours automatiques » dont certaines ont la capacité incroyable de lire dans les pensées. Cette mise en bouche, ludique et conviviale, est le prélude de bien d’autres aventures. Répartis en trois groupes, les festivaliers sont conviés à se laisser emporter de l’autre côté du miroir, là où Saint-Thomas perd son latin. Car voir ne suffit pas par croire ! 

Rouge ou noir, faites vos jeux ! S’inspirant de l’histoire de Géraldine Hartmann, une spécialiste des tours de passe-passe qui a sévit à Londres dans les années 1920 et une amie de sa grand-mère, l’épatante et flamboyante Laura London a plusieurs tours dans son sac et n’est pas prête à vous les dévoiler. Assisse devant une table de jeu, elle manie les cartes avec une dextérité telle qu’on n’y voit que du feu. As, dame, roi, trèfle, carreau, dans ses mains expertes, tout se confond, tout se mélange. 

Habile compteuse, brillante manipulatrice, elle sait bluffer comme personne. À chaque fois, on se fait avoir. Et c’est un vrai spectacle de la voir embobiner un public totalement stupéfié. Certains s’essaieront à la confondre. Crédules, mais pas totalement dupes, ils ne verront pas le subterfuge, tomberont dans le panneau pour le plus grand bonheur de l’assistance. Charmeuse, drôle, volubile, la magicienne, une des rares de cette discipline encore très masculine, a l’art de l’envoûtement et c’est peu de le dire. Les vingt minutes écoulées, le temps est passé si vite qu’on pourrait croire qu’elle a dissimulé une poignée dans sa manche.

Plus classique dans sa démarche, Thierry Collet a la faconde prolixe. En emcee de la soirée, il a concocté quelques petits tours, qui mettrons les certitudes des spectateurs à rude épreuve. Jouant de l’art de dissimulation, montrant à vue les tours de magie les plus connus, il arrive encore à surprendre, à embrouiller les cerveaux et à faire croire à l’impensable. Coupant des bouts de ficelles, dédoublant des balles en mousse, jouant les pickpockets, il est un véritable maître des illusions et des apparences. 

Son grand atout, c’est l’art du détournement d’attention. Focalisant les regards vers un point précis, loin de l’objet qu’il convoite, il a le loisir d’emprunter un téléphone, une carte d’identité, de jouer les médiums et de tromper les esprits cartésiens. Il s’amuse de la crédulité, de la capacité de chacun à se laisser berner et à croire encore en l’impossible. Avec une belle habilité et un art de l’artifice, l’artiste prestidigitateur réussit sa combine. Entre apparition et disparition, c’est tout un pan de la magie qui semble faire jour. Mais ce n’est finalement pas qu’une grande illusion ! 

Après la vue, c’est à l’ouïe de se faire avoir par deux trublions experts en illusions sonores. Musiciens hors pairs, Dylan Foldrin et Quentin Thiollier de La Cabale des passeurs vont en faire entendre au public de toutes les fréquences, de tous les courants musicaux. Revisitant Bowie, Nirvana et bien d’autres artistes encore, ces deux clowns-là en ont sous les doigts et le coffre. Bonimenteurs, amuseurs publics, ils s’attaquent à la manière d’une conférence décalée et rock à l’un de nos sens que l’on pourrait croire infaillible. Clairement, il n’en est rien. 

Jouant sur les mots, les tonalités, les rythmes, ils déploient une énergie de dingue à chambouler les références et les croyances. Secoués dans tous les sens, n’y entendant plus rien, les spectateurs totalement captivés se lèvent, tapent des mains et seraient prêts à entrer dans la ronde des faux semblants et des vérités escamotées, mystifiées pour le meilleur et pour le rire. 

La soirée s’achève chaleureuse et amicale. Les uns se donnant rendez-vous pour le lendemain, les autres des paillettes plein les yeux, heureux d’avoir partagé ce moment de détente, de folie et d’art bien loin des sentiers battus mais avec la sensation d’avoir découvert une autre facette passionnante de l’art vivant. Cette première édition de 100 % Magie est une belle réussite pleine de promesses. À l’an prochain pour d’autres sensations et de nouvelles découvertes !


100 % Magie 
La Rose des Vents – Nomade
Scène nationale Lille Métropole
Villeneuve d’Ascq
Boulevard Van Gogh
59650 Villeneuve d’Ascq

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