Marjorie Frantz © ChristelleBillault
© ChristelleBillault

Marjorie Frantz, le théâtre dans son ADN

À l’occasion de la reprise au Lucernaire, de son spectacle Merteuil, dans lequel elle a imaginé une suite aux Liaisons dangereuses, la comédienne s’est prêtée au jeu de notre questionnaire.

Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
Mes parents, Jacques Frantz et Anne Saint Mor, jouant respectivement Roméo et Juliette. Tous les deux mourraient à la fin du spectacle, bien sûr. J’avais cinq ans, c’était un drame. Mais la divine surprise a été que c’était pour de faux et que j’ai pu les retrouver intacts après le spectacle. Je pense que j’ai ressenti au plus profond de moi la magie qu’était le métier de comédien ce jour-là.

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
La passion qui régnait dans mon foyer, les discussions à n’en plus finir sur le niveau d’interprétation de tel ou tel personnage, la compréhension de tel ou tel auteur. Et puis pour un enfant, entendre que ses parents vont jouer au lieu de travailler, ça donne envie !

Merteuil © Cédric Vasnier

Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ?
Le goût des mots transmis par mon grand-père. Le masque protecteur qu’offre un personnage sur scène, la permission de franchir des limites que les codes de la société ne nous permettent pas et puis surtout être le véhicule d’un texte qui emporte le public dans une émotion forte.

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
J’étais assistante d’Élisabeth Wiener sur une comédie musicale que j’avais adorée au Théâtre Paris. Lorsque l’une des comédiennes s’est blessée, je me suis vue proposer de reprendre son rôle. J’ai aimé chaque instant du travail et des représentations qui ont suivi.

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Premier choc : le Hamlet de Patrice Chéreau avec Gérard Desarthe, où j’ai compris que je ne m’étais pas trompé de voie. J’étais adolescente à l’époque, et j’ai pris en pleine poire un immense auteur, un immense metteur en scène, un immense comédien et un rôle gigantesque. La claque ! Ensuite tout le travail de Jean-Christophe Dollé et Clotilde Morgièvre qui m’éblouit à chaque spectacle. Ne ratez pas Téléphone-moi s’il passe à Paris !

Quelles sont vos plus belles rencontres ?
J’ai eu la chance de travailler Lorenzaccio avec Gérard Desarthe qui voulait que le rôle soit joué par une femme. J’ai découvert l’exigence et la précision de cet homme. C’est une chance énorme de pouvoir travailler avec la personne qui vous inspire et qui représente la quintessence de ce que vous voudriez devenir. Le voir travailler, entrer dans ses pas, imiter son rythme, sa respiration m’ont permis très jeune, de comprendre la physicalité d’un personnage. J’ai eu une chance incroyable de pouvoir côtoyer et travailler avec cet immense comédien.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il me semble que je serai incapable de vivre sans ces rendez-vous avec le public, sans cette montée d’adrénaline chaque soir avec l’éternelle incertitude de réussir le pari ou pas. J’aime ne pas être dans le confort pendant quelques heures, cela oblige à une acuité folle, à une hyper concentration, ça réveille !

Marjorie Frantz - Merteuil © DR
Marjorie Frantz, Chloé Berthier, Salomé Villiers © DR

Qu’est-ce qui vous inspire ?
L’envie de défendre des textes, de faire vivre des mots qu’un auteur a mûrement réfléchis, pesés, et puis transmettre des émotions, toujours. Cela illumine la vie.

À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
C’est, il me semble, un exutoire, un lieu de vibration, une décharge d’émotions concentrée au service d’une histoire qui emportera l’auditoire. Ça met en alerte, en vigilance extrême. C’est comme la vie, mais en mieux !

De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Un doux mélange entre peur et envie. Un rendez-vous où tout est autorisé même si tout est cadré. Une épreuve physique autant qu’intuitive et intellectuelle.

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Valérie Lesort et Christian Hecq me fascinent par leur décalage, leur élégance et tout ce qu’ils osent qui apporte une autre lecture des grands textes. L’immense Bourgeois Gentilhomme, par exemple. De manière générale, je trouve l’apport d’Éric Ruf à la Comédie-Française essentiel à la modernité que doivent revêtir aujourd’hui les grands textes. Jean Christophe Dollé et Clotilde Morgièvre, dont le travail m’émerveille à chaque fois par leur grâce et leur intelligence. Et puis je suis une fan absolue de l’écriture de Laurent Gaudé qui est un auteur essentiel aujourd’hui pour le spectacle vivant : Le Tigre bleu de l’Euphrate, Sodome ma douce… Des partitions puissantes, lyriques. Des rôles merveilleux d’intensité, de passion et d’humanité.

Marjorie Frantz - Merteuil © Cédric Vasnier
Merteuil © Cédric Vasnier

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’adorerais jouer dans une comédie musicale, un Sondheim par exemple. Je suis très impressionnée par la maîtrise de plusieurs disciplines que peuvent avoir les Anglo-Saxons : la comédie, le chant, la danse. Je rêve également de mettre en scène Chantecler d’Edmond Rostand. Je travaille en ce moment à une adaptation afin de réduire le nombre de rôles à 10, il y en a 80 dans l’œuvre originale !
Merteuil, le spectacle que nous jouons en ce moment au théâtre du Lucernaire avec Chloé Berthier, en image est une idée qui me travaille également. Ce ne sont pas les envies qui manquent !

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Je crois que je resterai éternellement une petite fille rêveuse alors sans hésiter : Peau d’Âne de Jacques Demi, mélange de magie, de musique, de malice, de liberté… Et puis la fée des Lilas !


Merteuil de Marjorie Frantz
Lucernaire
53 rue Notre-Dame-des-Champs
75006 Paris
Reprise du 31 janvier au 31 mars 2024
Du 8 mars au 7 mai 2023
Durée 1h10

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