Lichen, Julien Kosellek © Romain Kosellek
© Romain Kosellek

Lichen, un peu de poésie pour les mal-logés

Au Théâtre de Belleville, le collectif Estrarre porte au plateau "Lichen" une pièce de Magali Mougel inspirée des cités ouvrières du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais.

Le logement comme thématique politique et sociale prend peu souvent sa place au théâtre, peut-être parce qu’il amène une difficulté formelle, encore plus pour des petites productions : comment donner forme, sur scène, à une architecture vécue, sans recourir à un déballage de moyens côté scénographie ? Le décor de Lichen, conçu par Xavier Hollebecq et Nathalie Savary, compose par le détail : une cuisinière, une table en formica, des dessins d’enfant et un poster aux couleurs de Bora-Bora. Suffisamment pour deviner la vie domestique d’une classe populaire. Du reste, la mise en scène de Julien Kosellek donne à entendre plus qu’on ne voit. Les chauffages éteints l’hiver parce qu’« il n’y a pas de petites économies », l’humidité et le plâtre qui se décolle des parois : à un trucage près, la pièce ne montre pas la dégradation et la destruction, mais elle la raconte généreusement, avec la logorrhée et le regard grossissant d’une enfant.

Menée à trois voix par le trio convaincant formé par Natalie Beder, Ayana Fuentes-Uno et Viktoria Kozlova, Lichen met le réel à distance d’enfant, mais n’évacue pas pour autant le politique. Il faut un enchaînement de touches posées selon la logique libre et anarchique de l’enfance pour que lentement, le dessin de cette famille se précise : la détresse du père, les raisons de la fuite de la mère, la destruction en cours d’un vieux quartier ouvrier auquel ce foyer n’échappera pas. Entrecoupé de passages musicaux comme une comédie musicale lo-fi, le mode de récit menace par moments de s’essouffler, mais il est constamment vitalisé par l’écriture riche de Magali Mougel. Celle-ci dit bien l’attachement sensible au domicile, même lorsque celui-ci périt : les murs y deviennent de la peau, les infiltrations d’eau pourraient être des larmes. Faisant de Lichen un rappel poétique à la mémoire des mal-logés et délogés d’hier et d’aujourd’hui.


Lichen de Magali Mougel
Théâtre de Belleville
16 passage Piver

75011 Paris
Du 4 au 31 mars 2024
Durée 1h25

Mise en scène de Julien Kosellek
Avec Natalie Beder, Ayana Fuentes-Uno, Viktoria Kozlova
Création musicale d’Ayana Fuentes-Uno
Scénographie de Xavier Hollebecq & Nathalie Savary
Création sonore de Cédric Colin
Régie d’Anton Langhoff

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