Dans le noir de la salle, une voix rompt le silence, celle de Bernard Pivot. On est en décembre 1986, sur le plateau d’Apostrophes. Dans quelques secondes, le présentateur va déclencher sans le savoir, un débat, qui depuis est devenu historique entre deux grands artistes d’alors, Gainsbourg et Béart. Le premier affirme que la chanson est un art mineur, le second défendant tout le contraire. De cette opposition virulente, Guillaume Barbot imagine une balade au cœur des mots et des notes, une flânerie où s’entremêlent joliment récits de vie et refrains qui trottent dans la tête.
Un peu plus d’une heure durant, les comédiens du Français – Thierry Hancisse et sa voix rock, Véronique Vella et sa gouaille, Léa Lopez et son blues – et leurs acolytes venus d’autres horizons – le lumineux Axel Auriant et l’épatant Pierre-Marie Braye-Weppe – naviguent entre anecdotes personnelles – inventées ou réelles – et chansons qui sont associées à ces instants qui ont marqué leur existence. De Barbara, un soir d’hiver à Bobino, à David Bowie, écouté religieusement dans un théâtre vide éclairé uniquement par une servante, en passant par Souchon, Biolay et autres Higelin, Brel, Les Rita Mitsouko, les cinq artistes évoquent souvenirs d’enfance, histoires d’amour avortées, réminiscences d’un être cher depuis longtemps disparu et poussent la chansonnette avec fièvre et passion.
Ni vraiment pièce de théâtre, ni vraiment concert, Art Majeur est un objet non identifié qui réchauffe les cœurs, met du baume à l’âme et fait battre en rythme des pieds. Avec délicatesse, Guillaume Barbot esquisse avec cet impromptu un conte d’hier et d’aujourd’hui, aussi enchanteur que jubilatoire, entre nostalgie et onirisme. Non, sans humour, il dessine, dans cette conque de bois qui sert de scène, des histoires d’A, des Voyages en solitaire et bien d’autres fariboles, romances, complaintes et ritournelles. Ça swingue, ça balance pas mal et ça emporte la salle bien loin de la grisaille des villes et de la morosité ambiante. Une gourmandise aux saveurs d’antan savamment réorchestrée au goût d’aujourd’hui, qui se laisse déguster sans modération !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Art Majeur de Guillaume Barbot
Studio
Comédie-Française
99 rue de Rivoli
75001 Paris
jusqu’au 5 mai 2024
Durée 1h16 environ
Mise en scène de Guillaume Barbot
Avec Thierry Hancisse, Véronique Vella, Léa Lopez, Axel Auriant et Pierre-Marie Braye-Weppe
Dramaturgie d’Agathe Peyrard
Scénographie de Benjamin Lebreton
Costumes d’Aude Désigaux
Lumières de Nicolas Faucheux
Musiques originales, direction musicale et arrangements de Pierre-Marie Braye-Weppe
Son de Julien Reboux
Assistanat à la direction musicale – Valentin Martel