C’était en 1990. Le merveilleux film de Peter Weir, scénarisé par Tom Schulman, faisait l’effet d’une claque et touchait le public en plein cœur. Trente-quatre ans après, passant de la toile à la scène dans la belle adaptation de Gérald Sibleyras, Le Cercle des poètes disparus, célébration de l’amitié, l’émancipation et la transmission, n’a rien perdu de ses qualités et fait naître toujours autant d’émotions.
« Carpe diem… Et, faites de votre vie un chef-d’œuvre »
Dés que l’on y pénètre, la salle du théâtre Antoine réserve un bond dans les années 1950. Sur la scène, vêtus de leurs uniformes de collégiens, des garçons se déhanchent au son d’un bon rock. On est même invité à les rejoindre. Ce n’est pas tous les soirs que l’on peut revivre nos boums d’ado !
La fête s’achève, les garçons retournent en coulisse et les danseurs à leur siège. C’est la rentrée des classes. Le directeur (épatant Yvan Garouel) fait réciter aux élèves les quatre piliers de la prestigieuse Académie de Welton : « tradition, honneur, discipline, excellence ! ». Il annonce que cette année, les enfants auront un nouveau professeur de littérature. Celui-ci bondit sur scène de la salle. On comprend tout de suite que le rythme va être le nerf de guerre de la mise en scène d’Olivier Solivérès, un poète en son genre.
Le metteur en scène réussit à garder la dynamique du film. La scénographie est très ingénieuse. À mesure que les scènes s’enchaînent, les lieux apparaissent et disparaissent comme par magie, les pupitres glissent hors de scène. Ce tourbillon d’images donne un charme fou à la pièce. Mais le résumer seulement à cet aspect serait réducteur. Solivérès a su insuffler à la troupe ce même mouvement, ce qui n’empêche en rien que l’émotion parvienne.
« Je suis le capitaine de mon âme, le maître de mon destin »
Ils sont touchants, ces petits jeunes découvrant les choses de la vie. C’est l’année du bac. Adieu l’enfance et l’insouciance, mais pour choisir quelle voie ? Celle que leurs parents veulent, ou celle de leurs propres désirs ? Ils se cherchent, donc ils doutent.
Audran Cattin, découvert dans Le Personnage désincarné, incarne subtilement Charlie, le rebelle. Hélie Thonnat, une révélation, offre son visage d’ange au timide Tood. Maxime Huriguen est parfait en Richard, le Roméo maladroit épris de sa belle Juliette. Maxence Seva est impeccable dans le rôle du rigoriste Gary. Tout en rondeur, Pierre Delage se glisse à merveille dans la peau du fidèle Steven. Ethan Oliel, dont le talent nous avait déjà saisi lors de ses premières prestations sur scène dans L’Écume des jours et La Tempête, confirme, par sa remarquable interprétation de Neil, la puissance de son jeu. Avec une belle sensibilité, ce jeune acteur exprime l’enthousiasme et le désenchantement d’un môme qui préfère se donner la mort plutôt que vivre le destin que lui prévoit son père (Olivier Bouana, impeccable).
Stéphane Freiss incarne radieusement le charismatique professeur Keating. Il possède tous les atouts de cet enseignant brillant et iconoclaste, à savoir l’enthousiasme, l’énergie et le magnétisme. Ce qui pourrait ressembler à du cabotinage n’est en réalité que de la fougue : celle d’un homme qui fait souffler, dans ce collège vieillot à l’air vicié, un vent de folie salutaire. En virtuose, le comédien convainc totalement. Quel beau spectacle !
Marie-Céline Nivière
Le cercle des poètes disparus de Tom Schulman (d’après le film produit par Touchstone Picture écrit par Tom Schulman)
Théâtre Libre
4 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Du 11 septembre au 29 décembre 2024
Durée 1h30
Théâtre Antoine
14 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Jusqu’au 31 mars 2024
Adaptation française de Gérald Sibleyras
Mise en scène d’Olivier Solivérès
assisté de Pierre Mazarin
Avec Stéphane Freiss, Ethan Oliel, Hélie Thonnat, Audran Cattin, Maxence Seva, Pierre Delage, Maxime Huriguen, Yvan Garouel, Olivier Bouana
Décors de Jean-Michel Adam
Lumières de Denis Koransky
Vidéos de Sébastien Mizermont
Costumes de Chouchane Abello-Tcharpachian
Musiques de Cyrille Giroux