Tatiana Vialle ©Giovanni Cittadini Cesi
©Giovanni Cittadini Cesi

Tatiana Vialle, les pensées de Nicolas de Staël jusqu’à l’os

Au Théâtre 14, l’autrice et metteuse en scène porte au plateau les lettres du peintre d’origine russe, figure incontournable de la scène artistique française d’après-guerre. Plongeant dans l’intimité de l’artiste, elle tente d’en comprendre le processus créatif.

Tatiana Vialle : Au départ, j’avais fait un montage de lettres du peintre à la demande de Mathieu Touzé dans le cadre du festival du Théâtre 14, en septembre. Nous nous étions rencontrés au moment des représentations d’Excécuteur 14 d’Adel Hakim, que j’avais mis en scène. Au fil des discussions que nous avons eues, notamment sur le travail d’acteur, j’ai constaté qu’il y avait chez lui, dans sa silhouette, dans son visage, dans son regard sur son métier, quelque chose qui me faisait penser à Nicolas de Staël. Leurs doutes, leurs obsessions, leurs questionnements, la manière dont ils appréhendent l’art, qu’il soit plastique ou dramatique, est assez similaire. Je trouvais donc fascinant d’essayer de faire un parallèle entre eux, de creuser cette ligne et de voir où cela me mènerait.

Tatiana Vialle : Justement, cette ambivalence, cette envie de toujours tout maîtriser, tout en cherchant à ce que le geste artistique soit le plus impulsif possible. C’est presque schizophrénique. Nicolas de Staël a toujours été partagé entre ces deux extrémités. Quand on parcourt sa correspondance, ce questionnement pour tenter de relier ces deux idées paradoxales est permanent, presque obsessionnel. Même quand il a commencé à être connu et à vendre ses toiles, il n’a jamais cessé de douter. Faut-il tout maîtriser ou laisser aller ? Est-ce que ce qui jaillit sans avoir été pensé en amont n’est pas plus intéressant que quand on maîtrise ?

Tatiana Vialle : quand j’ai commencé à imaginer le spectacle, j’avais dans l’idée qu’il fallait un ou une artiste au plateau, quelqu’un qui donne chair à des œuvres plastiques en temps réel. J’ai fait appel à Juliette Baigné, qui chaque soir performe et imagine une nouvelle scénographie. Il était important de pouvoir confronter au plateau tout l’aspect très théorique des lettres, avec quelque chose de concret. Et puis ce qui est intéressant chez de Staël, c’est qu’à travers ses correspondances, on s’approche un peu de son intimité, même si les questionnements sur son travail reviennent toujours l’obnubiler. Il fallait à mon sens que tout cela se ressente à travers un geste plastique.

Tatiana Vialle : Il s’est fait à travers un des personnages que j’ai inventé de toutes pièces, une jeune élève d’école d’art, incarné par Telma Bello, qui, en questionnant ce professeur joué par Mathieu Touzé, cherche à percer le mystère du processus créatif. Ce travail va les amener à plonger dans la correspondance de Nicolas de Staël. Ne trouvant pas son propre chemin, la jeune fille va tenter d’emprunter celui du peintre. Ensemble, il vont parcourir les mots, les pensées de Nicolas de Staël, s’intéresser à ce qui l’animait, et découvrir dans l’intimité de l’homme ce qui a nourri l’artiste. J’ai donc tout simplement suivi la quête de ce personnage et les lettres ont suivi. Et puis après avoir relu plusieurs fois le recueil qui contient toute sa correspondance, je me suis rendu compte que certains de ses écrits étaient plus persistants que d’autres dans ma mémoire. Je n’arrivais pas à les oublier. Je les ai donc inclus dans la pièce.

Tatiana Vialle : tout à fait. C’est plus une évocation de l’artiste qu’une biopic. Mathieu joue un professeur d’art plastique qu’une étudiante va transformer. Elle va, au fil de son cheminement artistique, l’amener à l’incarner physiquement. On revient au travail d’acteur, et comment un être peut se glisser dans la peau d’un autre.

Tatiana Vialle : il y a en effet une sorte de résonnance dans l’actualité. Mais nous n’abordons pas l’artiste de la même manière. Ceux qui ont vu l’expo ont une vision très colorée de l’artiste. J’ai plutôt travaillé en noir et blanc. Rien n’évoque dans le spectacle les tableaux de Nicolas de Staël, on ne parle que de son travail, de son geste artistique. On plonge dans ses pensées, de ses premières toiles jusqu’à son suicide.


Être Peintre d’après la correspondance de Nicolas de Staël
Théâtre 14
20 avenue Marc Sangnier
75014 Paris
du 30 janvier au 11 février 2024

Mise en scène de Tatiana Vialle assistée de Léa Mazzoni
avec Mathieu Touzé et Selma Bello
Scénographie performée de Juliette Baigné 
Lumière de Stéphane Fritsch et Christian Pinaud
Musique de Dominique Mahut et Sébastien Moreaux 

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