Roland Bertin dans le Fauteuil à bascule, 1997 © Flore, coll. Comédie-Française Bien à toi
© Flore, coll. Comédie-Française

Roland Bertin, mort d’un seigneur de théâtre

Aussi fin que pantagruélique, ce grand sociétaire honoraire de la Comédie-Française s’est éteint à l’âge de 93 ans, dans sa paisible retraite bretonne. Avec sa disparition, une page d'histoire se tourne.

Roland Bertin était une figure de légende. Entré au Français en 1982 comme pensionnaire, il en devint dès l’année suivante le 473e sociétaire. Il quitta la grande maison en 2002. En toute logique, il en devient sociétaire honoraire. C’est avec émotion qu’Éric Ruf, dans un communiqué, nous a appris la triste nouvelle. « Je viens d’apprendre le décès la nuit dernière de Roland Bertin, sociétaire et immense figure de notre Maison, écrit l’actuel administrateur. Roland, notre Roland, celui dont nous avons tant aimé imiter les colères homériques et généreuses, la lippe si gourmande, le verbe si haut et l’exigence si radicale. »

Volpone - Bertin © DR
Roland Bertin, Anne Charrier et Nicolas Briançon dans « Volpone » © DR, collection privée Nicolas Briançon

Avec son physique rond, ses airs bourgeois et sa sensibilité à fleur de peau, on aurait pu le cantonner à certains emplois. Et pourtant, il était capable de tout jouer. Ce n’est pas pour rien que le cinéaste Jean-Paul Rappeneau l’a choisi pour incarner le pâtissier Ragueneau dans son Cyrano de Bergerac. Il fut un magnifique Sganarelle dans le Dom Juan de Molière mis en scène par Jacques Lassalle. Chez Jorge Lavelli, avec lequel il travailla énormément, il fut un bouleversant Oscar Wilde dans C.3.3. de Robert Badinter, qu’il suit dans la mort. Sa remarquable prestation dans le Coriolan de Shakespeare mis en scène par Schiaretti fut récompensée par un Molière du second rôle. Son dernier rôle a été dans Volpone. Sous la direction de Nicolas Briançon, il y brillait de toute sa puissance.

En 1955, à vingt-cinq ans, le jeune homme entre dans la grande aventure de la décentralisation. Avec Jacques Fornier, il participe à la fondation du Théâtre de Bourgogne. Il mettra toute sa vie au service de l’art dramatique. La liste des metteurs en scène pour lesquels il a travaillé représente à elle seule l’histoire du théâtre de ces dernières années : Planchon, Chéreau, Régy, Sobel, Lavaudant, Vitez, Boutté, Rosner, Ribes, Benoît, Jouanneau… Il pouvait passer sans peine des auteurs classiques aux contemporains. Là encore, la liste est longue : dObaldia à Césaire, de Molière à Shakespeare en passant par Hugo, Labiche, Beckett, Grumberg ou Brisville… Au cinéma comme à la télévision, sachant jouer de l’étrangeté des êtres, il a promené sa silhouette dans de marquantes apparitions. Le regarder jouer procurait bien des plaisirs. Il était créatif, inventif et savait toujours surprendre et étonner. Un seigneur comme on n’en fait plus.

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