Sauve qui peut (la révolution) - Cie Roland Furieux © Jean Valès
© Jean Valès

On se lève d’un bond pour Sauve qui peut (la révolution)

En adaptant au théâtre le roman de Thierry Forger, Laëtitia Pitz et la Cie Roland Furieux réalisent une fresque textuelle, musicale et visuelle parfaitement aboutie.

Quand un objet littéraire non identifié devient un objet théâtral tout aussi insolite, tous nos sens sont à la fête ! C’est dans la magnifique Abbaye Saint-Pierre-en-Nonnains que nous avons découvert en novembre dernier l’intégrale de Sauve qui peut (la révolution), spectacle en quatre épisode de la Cie Roland Furieux, alors en résidence à la Cité musicale-Metz. Le spectacle dure 5h et on ne les voit pas passer. Rassurez-vous, il y a des entractes entre les épisodes et on vous assure que l’on est pressé d’y retourner. À chaque épisode, le dispositif scénique change et l’on vous encourage à ne pas reprendre la même place afin d’avoir un autre « point de vue » !

Sauve qui peut (la révolution) - Cie Roland Furieux © Morgane Ahrach
© Morgane Ahrach

Thierry Froger a imaginé qu’en 1988, la Mission du Bicentenaire de la Révolution française ait commandé à Jean-Luc Godard un film sur 1789. Comme c’était à prévoir, le cinéaste s’éloigne de la retranscription historique afin de rendre hommage à Danton, auquel il réserve une autre mort que la guillotine. Dans un style remarquable, l’auteur raconte alors pourquoi le réalisateur a renoncé à son film intitulé Quatre-vingt-treize et demi. La référence à Victor Hugo fait sourire.

On suit avec attention le cheminement de JLG, ses errances intellectuelles, ses déboires avec les producteurs, les actrices, sa conversation avec Marguerite Duras, etc. En parallèle, l’auteur raconte les rendez-vous de Godard avec son vieil ami, Jacques, ancien maoïste devenu spécialiste du tribun des peuples. Il y ajoute une romance avec Rose, la fille de celui-ci, qui fait étrangement songer à Anne Wiazemski. Avec beaucoup d’audace, l’auteur aborde de nombreux sujets, comme les désenchantements, le processus de création, l’histoire du cinéma, celle de la Révolution (merci Michelet) et des Révolutions, qui sont faites par des hommes…

Sauve qui peut (la révolution) - Cie Roland Furieux © Jean Valès
© Jean Valès

Par sa mise en scène, Laëtitia Pitz sublime son adaptation. Elle nous montre un autre processus de création, celui du théâtre. Elle a eu l’excellente idée de partir du principe que nous sommes dans le studio d’une émission radiophonique. Une sorte de Radioscopie mais sans Jacques Chancel ! Autour de la table, ils sont trois et se présentent. Il y a l’acteur, Didier Menin Franchesni, le musicien Camille Perrin et la plasticienne Anaïs Pélaquier. Chacun répète cette phrase : « Oui, parler comme des citations de vérité, c’est le père Brecht qui disait ça. » Cette présentation interpelle ! Où va-t-on nous emmener ? Et puis, tel un puzzle les pièces se mettent en place et nous voilà embarqués dans l’aventure. Les personnages prennent vie et les idées circulent. La musique, la projection d’images vidéo et la peinture forment une fresque sonore et visuelle qui accompagne le récit. Tous nos sens sont en éveil.

Anaïs Pélaquier est une présence discrète qui a toute sa place dans le processus scénographique. Camille Perrin est un artiste complet saisissant. C’est un véritable clown, doté d’un talent de comédien, qui n’a pas son pareil pour faire bondir les sons et les personnages qu’il interprète. Tenant sur ses épaules une grande partie du texte ainsi que la lourde charge d’interpréter Godard, Didier Menin Franchesni, déjà remarquable dans Répliques d’Emmanuelle Della Piane, réalise une véritable performance d’acteur. D’un jeu très inventif, le comédien nous a épatés par la robustesse et les nuances de ses interprétations. Bravo !


Sauve qui peut (la révolution) d’après le roman de Thierry Froger (Éd. Actes Sud, 2016).
Théâtre L’Échangeur
59 avenue du Générale de Gaulle
93170 Bagnolet.
Du 3 au 10 février 2024.
Intégrale des épisodes 1,2, 3 et 4
Durée 5h avec entractes.

Adaptation et mise en scène de Laëtitia Pitz
Composition musicale, musique et jeu Camille Perrin
Collaboration artistique, scénographie, vidéos et jeu Anaïs Pélaquier
Jeu Didier Menin Franchesni.
Montages vidéo Morgane Ahrach.
Assistanat mise en scène Suzie Colin.
Création lumières de Christian Pinaud.

Costumes de Stéphanie Vaillant
Regards et oreilles éclairants de Véronique Albert et Loris Binot
Régie Lumières et vidéos de Florent Fouquet et au son de Michaël Goupilleau.

Teaser de Sauve qui peut (la révolution) © Cie Roland Furieux

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