Pierre Arditi entre sur la scène à petits pas feutrés. Un air de variété l’accompagne. Il hausse les épaules, s’excuse : « Une idée du régisseur. » De quoi mettre de la distance avec le recueillement des grandes messes théâtrales. On est là pour passer un bon moment. Le comédien s’avance et se tient à la servante — la lampe, pas l’employée de maison ! — et sans cacher son plaisir d’être avec nous, il s’installe à la table. Son visage s’illumine, son sourire si charmant fend son visage, ses yeux pétillent de malice. Il nous rassure : il va bien.
On le sait, le comédien n’a jamais ménagé sa monture. La peur du vide ? Peut-être. Un besoin vital, à ce qu’il dit, et on le croit. Durant toute sa carrière, ce stradivarius de l’interprétation dramatique est passé, avec autant d’aisance que de plaisir, du privé au public, du boulevard au classique, sans oublier le contemporain. N’ayant pas vu le temps passer, la vie lui a rappelé qu’il devait lever le pied. Alors comme il doit se reposer, il a décidé de venir deux soirs par semaine sur la scène de la Pépinière pour partager avec nous son amour des livres, des auteurs et des mots. Devenir, telle sa tante Denise, « celui qui raconte des histoires », en espérant « ne pas nous endormir ».
Il a mis à son programme — mais pas dans la même soirée — des extraits de Heureux les heureux de Yasmina Reza, Les mots que j’aime de Jean-Michel Ribes, La plus précieuse des marchandises de Jean-Claude Grumberg et Cosmos de Michel Onfray. Le soir de la première nous avons eu Ribes et Reza. Un choix joyeux qui a permis, à travers ce fameux « rire de résistance », de nous régaler de réflexions remplies de sagacité sur nos semblables et sur le monde, celui de tous les jours comme celui du théâtre. Par son éloquence parfaite, son talent pour donner vie aux mots, sa gourmandise du jeu, nous étions loin de la cérémonie d’adieu d’un vieux sociétaire du théâtre français, dans une célébration de la vie ! Écouter et regarder Arditi, c’est vivifiant !
Marie-Céline Nivière
La Pépinière de Pierre Arditi
La Pépinière Théâtre
7 Rue Louis le Grand
75002 Paris
Du 13 février au 24 avril 2024.
Durée 1h15.
