Corps premiers de Cédric Orain © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Corps premiers, les histoires sportives de Cédric Orain 

Dans sa nouvelle création labellisée Paris 2024 dans le cadre de l’Olympiade Culturelle, l’auteur et metteur en scène questionne la mémoire imprimée dans nos muscles, qui parfois pousse à nous dépasser. 

Depuis l’enfance, Cédric Orain a une passion, lire L’Équipe. Dans les colonnes du premier quotidien de France, il y découvre les histoires incroyables de ces héros du sport, qui un jour, déchirent tout et dépassent leur propre capacité pour réaliser un exploit. À le voir, tout longiligne, à regarder son œuvre, où se croisent DeleuzeNovarina ou Artaud, on pourrait en douter. Pourtant, avec une acuité ciselée, l’artiste navigue comme un poisson dans l’eau dans ces récits de vie singuliers et signe un spectacle passionnant, non sur le sport, mais sûr la manière dont le corps prend le pas sur le cerveau pour réaliser l’impossible. 

Qu’est ce qui fait que l’on pratique du sport ? Que certains s’obligent à aller courir tous les matins dans le parc d’à côté ? La bonne santé pour suivre le fameux adage « un esprit sain dans un corps sain ». « Foutaise », s’exclame le comédien Maxime Guyon de sa voix enrouée. Pour lui, c’est ailleurs que se niche ce désir de mettre notre corps en mouvement, d’en dépasser les limites physiques. Il suffit pour s’en convaincre, de s’intéresser à la vie de Dick Fosbery, qui a donné son nom à une technique de saut en hauteur.

Se glissant avec nonchalance dans la peau de l’américain, Claude Degliame raconte ses débuts médiocres dans la discipline, son incapacité à dépasser le mètre 72. Un jour, alors qu’il s’entraîne tout seul, tout change. Un arbre lui fait barrage, pour sauter, il est obligé de se contorsionner. Au lieu du rouleau ventral traditionnel, il s’enroule sur la barre avec le dos. La Méthode, qui porte depuis son nom, n’est pas conformiste pour l’époque, mais permet à l’étudiant, que tous moquaient, de remporter haut la main le titre olympique en 1968 à Mexico, damant le pion aux Russes, jusqu’alors indétrônable. 

Si l’athlète du dimanche a aussitôt raccrocher short et débardeur, il n’en reste pas moins qu’il est fascinant de voir comment un rien, un moment d’égarement durant lequel l’esprit s’est déconnecté pour laisser les muscles agir de façon autonome, a changé l’histoire du sport à tout jamais. Dans un espace scénique qui ressemble à un gymnase en miniature – tapis de gym, banc, chrono, cerceau suspendu, etc ; – , les deux comédiens et la circassienne Aurora Dini s’approprient ses récits de vie qu’est allé déterrer avec fascination Cédric Orain. D’Anquetil à son éternel second Poulidor, en passant par la marathonienne Kathrine Switzer ou la médaillée olympique pour le 400 mètres Colette Besson, chacun déplie de manière kaléidoscopique comment la pensée du corps, le geste réalisé sans conscience, a permis de battre des records, de permettre des choses incroyables. 

La mise en scène à peine soulignée de quelques effets – vidéos, chronos animés, etc. – permet aux belles présences des trois artistes d’habiter le plateau, de donner chair à ces femmes, ces hommes entrés dans la légende par des chemins inattendus. Parfois, on se perd dans les entrelacs des disciplines, des commentaires sportifs, mais en conteur habile, Cédric Orain a l’art de rattraper au vol l’attention des spectateurs même ceux qui n’ont que faire du sport et des sportifs. Une fable joliment ciselée où le réel a quelque chose de l’ordre de la magie ! 


Corps premiers de Cédric Orain
Création le 7 novembre 2023 à la Maison de la Culture d’Amiens
le Bateau feu – Scène nationale de Dunkerque
Place du Général-de-Gaulle
BP 62064 – 59376 Dunkerque
les 13 et 14 février 2024
Durée 1h30 

Tournée
16 février 2024 au Vivat – Scène conventionnée d’intérêt national art et création, Armentières
23 et 24 février 2024 aux Lieux Culturels Pluridisciplinaires, Lille
09 au 12 avril 2024 – Le phénix – scène nationale pôle européen de créations, Valenciennes

16 au 19 avril 2024 à la Comédie, Centre dramatique national, Reims

mise en scène de Cédric Orain assisté d’Édouard Liotard Khouri-Haddad
avec Claude Degliame, Aurora Dini et Maxime Guyon
scénographie et vidéo de Pierre Nouvel
lumière de Bertrand Couderc
création son de Lucas Lelièvre et Camille Vitté
costumes de Karin Serres
regard chorégraphique – Bastien Lefèvre
regard dramaturgique – Guillaume Clayssen
régie générale et lumière – Boris Pijetlovic
régie son et vidéo – Théo Lavirotte 

Teaser Corps premiers de Cédric Orain © Cie La Traversée

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