« Ça vous ennuie, la musique baroque ? » Le profil sculpté par l’éclat du contre-jour, Romy Pétale ponctue chaque couplet de remarques bien senties. Romy Pétale, c’est la créature imaginée et portée sur scène par Martial Pauliat, comédien et chanteur que l’on a vu briller maintes et maintes fois chez Jeanne Desoubeaux. Loin de la masculinité toxique d’un Phoebus (La Esmeralda) ou d’un José (Carmen), il campe ici les partitions d’un tout autre genre : les siennes. S’il avait saisi par sa duplicité dans les opérettes de la jeune metteuse en scène, c’est par son humour qu’il brille, seul sur scène, à l’occasion d’un concert au Théâtre de l’Aquarium.
Même si le lyrique n’est jamais bien loin, c’est dans un registre plus pop que Romy Pétale éclot. Les allusions aux chants grégoriens ou à la variété s’infiltrent au milieu de partitions de Claude Debussy ou de titres plus yéyés qui rappellent les refrains entêtants de Yelle. C’est d’ailleurs un autre mélange désarmant qui ouvre le concert. La suite d’accords mineurs sagement posée sur un piano ne trahit pas tout de suite la reprise d’Alexandrie de Claude François auquel Romy Pétale, la voix perchée dans les aïgus, vient apporter un souffle de mélancolie. Même si un vibrato rappelle parfois l’artiste à ses premiers amours, l’opéra, sa voix fait écho à celle du leader d‘Isaac Delusion, groupe qui secoue la pop française depuis une dizaine d’années. Delusional, Romy l’est d’ailleurs sûrement un peu, comme tout artiste avec un tant soit peu d’ambition. Il faut dire que l’artiste change sûrement plus de tenues pendant son set que Madonna, avec en prime, le sens de la ponctualité.
Artiste jusqu’au bout des talons
L’autoportrait que Romy Pétale esquisse révèle un sens certain de la contradiction. La candeur d’un refrain répond au cynisme du commentaire qui le précède. L’extravagance d’une tenue contrebalance la simplicité d’une phrase que l’audience répète à loisir. Romy Pétale déambule dans un mini short en cuir mais elle ramène sa fraise (fraise noire qu’elle porte autour du cou).
Le cabarettiste a fait ses classes chez Madame Arthur dont on reconnaît parfois l’esprit camp, la gouaille et l’amour du strass. L’occasion de faire, à la manière des drag queens, un commentaire sur le genre. Quelques idées ont germé dans l’esprit de ce chanteur de talent qui, du haut de ses talons, provoque une véritable confusion des genres. Qu’est-ce qui relève du féminin ? du masculin ? du théâtre ? du cabaret ? de la musique ? Car s’il s’agit d’un concert, c’est bien dans la théâtralité que ce portrait prend tout son sens, et l’émotion sert de transition entre les morceaux. Là encore, Martial Pauliat est accompagné de Jeanne Desoubeaux pour la mise en scène. Du placement sur scène aux petites remarques grinçantes, rien n’est le fruit du hasard chez Romy Pétale. Créature d’un soir ou étoile destinée à la postérité, l’avenir nous dira ce qu’il pourra advenir de ce personnage hybride. Il semble en tout cas que la graine est semée. Quel meilleur endroit que le Théâtre de l’Aquarium pour l’arroser ?
Mathis Grosos
Romy Pétale de Martial Pauliat
présenté le 26 et 27 janvier 2024 au Festival BRUIT
Théâtre de l’Aquarium
Route du Champs-de-Manœuvre
75012 Paris
mise en scène de Jeanne Desoubeaux
avec Martial Pauliat