Sans préambule, on entre de plain-pied dans l’intérieur tristounet d’une cinquantenaire sans emploi qui, pour éviter de sombrer, se gave de médocs, histoire d’oublier sa vie sans éclat, miséreuse. Tee-shirt rose, pantalon rouge, cheveux gras, Wilda (épatante Catherine Vinatier), vitupère, râle, harangue tous ceux qui ont le malheur de perturber son sevrage. Faute d’avoir les moyens d’une cure, c’est à l’ancienne qu’elle procède. Aidée de ses proches, c’est attachée à une chaise qu’elle attend d’être clean, de pouvoir à nouveau croire en un avenir meilleur.
Autour d’elle, c’est toute la misère du monde qui gravite, une sœur et un fils décédés, un neveu abîmé, une amie en quête de rédemption, un beau-frère démissionnaire et affabulateur, un médecin dépassé… On est dans les années 1980, l’Amérique est en pleine dépression. Toutes les industries métallurgiques ferment les unes après les autres. L’emploi se fait rare. Les accidents, qu’ils soient climatiques ou dus à une erreur humaine, les cancers, les maladies liés au travail se multiplient. Quand c’est noir, c’est noir ! Il n’y a quasiment plus d’espoir. Seules quelques utopies folles, chevillées au cœur, maintiennent le petit groupe juste à peine au-dessus de l’eau.
Entre vicissitudes du quotidien et triste réalité, l’écriture mélancolique de Naomi Wallace dresse le portrait poétique autant que terre-à-terre d’Américains moyens. Ici pas de grand lyrisme, ni de pathos, juste des existences grises qui s’écoulent inexorablement. Loin d’essayer de donner du relief à ce récit très lapidaire, Tommy Milliot, tout nouveau directeur du CDN de Besançon-Bourgogne et artiste associé de la Comédie de Béthune, en accentue la monotonie, la terrible lenteur, suivant ainsi la veine dramaturgique qui avait guidé son adaptation de La Brèche à Avignon en 2019. Décor réduit à son plus simple appareil — une chaise, deux portes, etc. —, jeu au ralenti à peine esquissé par une troupe d’excellents comédiens, Qui a besoin du ciel porte au plateau la banalité miséreuse d’une société déshumanisée par le profit. Ô apathie, Ô désespoir, tant qu’un souffle de vie parcourt nos corps, croire en ses rêves reste le dernier rempart à cette agonie à petit feu !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Béthune
Qui a besoin du ciel de Naomi Wallace
Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France
138 Rue du 11 Novembre, 62400 Béthune
Jusqu’au 18 janvier 2014
Durée 1h45
Tournée
Du 25 janvier au 10 février 2024 au Centquatre Paris dans le cadre du Festival Les Singulier.es
Du 03 au 06 avril 2024 à La Criée – Théâtre national Marseille CDN
mise en scène et scénographie de Tommy Milliot, artiste associé à la Comédie de Béthune – CDN Hauts-de-France
Traduction de Dominique Hollier
avec Catherine Vinatier, Marie-Sohna Condé, Joris Rodriguez, Athéna Amara, Pau Cólera, Sarah Le Deunff, Mattéo Renouf, Matthias Hejnar, Miglen Mirtchev
assistanat à la mise en scène – Matthieu Heydon
sons de Vanessa Court
lumières de Nicolas Marie
costumes de Louise Digard
régie générale et plateau de Mickaël Marchadier
régie sons – Kevin Villena-Garcia
régie lumières – Jeanne Laffargue