Le titre complet est : Les galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable). Cela sonne comme le titre d’un sketch de Devos, d’un Diablogue de Dubillard, d’un spectacle de Cotillard… Dans la lignée de ces grands maîtres de l’absurde, les chorégraphes Claire Laureau et Nicolas Chaigneau, fondateurs de la Cie pjpp, ont concocté un petit bijou en la matière autour d’un sujet que l’on connait tous bien, la conversation.
Discuter de tout et de rien
La parole et l’écoute formant la base des relations sociales, reconnaissons-le, nous parlons souvent pour ne rien dire ! Il y a ceux qui prennent la parole pour ne plus jamais la lâcher, même si leur verbiage est creux. Certains, dans un grand mouvement de mauvaise foi, peuvent dans le même temps dire tout et son contraire, histoire de causer. D’autres ne finissent jamais leurs phrases, passant d’une idée à l’autre. Et puis, il y a ceux qui écoutent, qui cherchent à comprendre le sujet de la conversation, pourquoi celle-ci vient de dégénérer… Car sans l’écouteur, l’orateur ne sert à rien ! Parlez tout seul n’a pas de sens !
La Cie pjpp nous entraîne joyeusement dans cet univers burlesque où ces petites choses de la vie sont explorées par la lorgnette de l’humour. On se retrouve dans leurs personnages. Il est bien connu que l’on voit bien mieux la paille dans l’œil du voisin que la poutre dans le sien. Alors, on s’amuse beaucoup à reconnaître à qui ces personnages nous font songer ! Il est certain qu’après le spectacle, on prend bien garde de tourner sept fois sa langue avant de l’ouvrir !
Pour remplir l’espace
Lorsqu’on s’installe dans la salle, les artistes, en chaussettes, sont déjà sur le plateau, une scène vide ayant pour tout décor, 11 chaises. Sur l’une d’elles, une femme, assise bien droite, l’air un peu embarrassé. Sur trois autres, en fond de scène sur le côté, deux hommes et une femme sont également présents, l’une à côte des autres. Ils attendent tous dans un grand silence éloquent. Cette entrée en matière est fort judicieuse. Elle permet le temps de la réflexion. Puis dans un ensemble parfait, les trois du fond se mettent à chanter. Un gong résonne, la première saynète démarre. Tel celui d’une baffe, ce son indique les changements de tableaux.
Dans un beau rythme, Claire Laureau, Nicolas Chaigneau, Marie Rual et Julien Athonady enchaînent les situations burlesques et absurdes dans lesquelles l’être humain aime bien se mettre ! Le corps a ici toute sa place pour exprimer ce que la parole ne peut faire. Jamais les mots ne nous sont apparus aussi visuels. De la partie de ping-pong, comme en hommage à Dubillard, à la journée à la plage au Tilleul, ils nous entraînent dans une reproduction illogique et admirable de nos travers. Rien n’est jamais tiré à la caricature. Une grande humanité s’est nichée dans le propos et c’est de cela que naissent les rires. Le chant, la musique (allant de Bach à Dutronc), la danse et le théâtre font bon ménage dans ce spectacle ovni qui déride les zygomatiques et donne du baume au cœur !
Marie-Céline Nivière
Les galets au Tilleul sont plus petits qu’au Havre (ce qui rend la baignade bien plus agréable), spectacle conçu par Claire Laureau et Nicolas Chaigneau.
Théâtre de l’Atelier
Place Charles Dullin
75018 Paris.
Du 12 janvier au 10 mars 2024.
Durée 1h.
Tournée 2024, cliquez ici.
Avec Julien Athonady, Nicolas Chaigneau, Capucine Baroni en alternance avec Claire Laureau, Marie Rual.
Régie générale de Benjamin Lebrun.
Création lumière de Valérie Sigward.