Les Consolantes - Pauline Susini © Christophe Raynaud De Lage
© Christophe Raynaud De Lage

Les Consolantes de Pauline Susini réparent les vivants

Créé à La Garance, scène nationale de Cavaillon, la dernière création de l'autrice et metteuse en scène sur les attentats du 13 novembre 2015, s’installe à L’étoile du Nord puis au Théâtre 13/Bibliothèque.

La date du 13 novembre 2015 est gravée en nous comme une plaie. Il y aura l’avant et l’après. 131 morts, 413 victimes. Mais il faut aussi prendre en compte les familles, l’entourage, les anonymes du quartier, les médecins, soignants et policiers qui ont tous été impactés par le drame. Dans Les consolantes, Pauline Susini explore les formes de reconstructions intimes et collectives de ces lambeaux de vies, ouvrant ainsi une brillante réflexion sur la vie.

Les Consolantes - Pauline Susini © Christophe Raynaud De Lage
© Christophe Raynaud De Lage

Pendant trois ans, Pauline Susini, artiste associée à La Garance–scène nationale de Cavaillon, où nous avons découvert le spectacle, a participé à un groupe de travail fondé par l’historien Christian Delage, au sein de l’Institut du Temps. En étroit lien avec le procès (2021-2022), l’équipe a interviewé des rescapés « afin de réaliser un travail inédit autour de la mémoire traumatique collective ». De cette matière, l’autrice et metteuse en scène a puisé un spectacle très fort.

S’éloignant du théâtre-documentaire, la jeune femme a cherché à dérouler un fil de fiction, à travers plusieurs récits qui résonnent en nous comme un écho à nos questionnements sur la vie, la mort, la douleur, le chagrin, l’absence, le vide… Ils évoquent aussi ce chemin, à la fois intime et collectif, qu’il faut parcourir pour se reconstruire. Mais peut-on quantifier la perte ? Celle d’un être, d’un membre, d’un goût de vivre ?

Partant de l’intime pour toucher l’universel, Pauline Susini a également puisé sa source d’inspiration dans les récits mythologiques. Ce qui donne une puissance narrative et dramaturgique à son ouvrage. D’où ce titre, magnifique, Les consolantes, qui aurait pu être celui d’une pièce de Sophocle. Telle une fresque se dessinant par plusieurs touches, le procédé fonctionne parce qu’il est subtilement utilisé et qu’il sert de dynamiseur à la mise en scène.

Les Consolantes - Pauline Susini © Christophe Raynaud De Lage
© Christophe Raynaud De Lage

Le choix du trifrontal place le public au cœur du processus. La première scène se déroule dans un espace vide et froid, en travaux. Cela évoque cette future salle d’audience qu’il a fallu installer pour le procès. Puis, au fur et à mesure des récits, des endroits où ils se situent, l’espace prendra d’autres formes, d’autres couleurs, se rattachant à des lieux de vie comme un cabinet médical, un parc, mais aussi à des transpositions poétiques. Grâce au très beau travail scénographique de Camille Duchemin, aux lumières de César Godefroy et à l’univers sonore de Loïc Le Roux, notre imaginaire est souvent sollicité.

Dans cet espace scénique remarquable, Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin donne corps au texte avec toute la délicatesse nécessaire pour ne jamais tomber dans le pathos. Se glissant dans les nuances, nées de la différence des caractères et des réactions humaines, ils font entendre les sentiments, exprimés ou silencieux, les regards qui se perdent, les corps rompus, les gestes désorientés… On sort du spectacle bouleversé, mais on entrevoit aussi une lueur qui nous rappelle qu’il faut aimer la vie, ce fil d’Ariane si fragile, coûte que coûte.


Les Consolantes, texte et mise en scène de Pauline Susini
L’Étoile du Nord – festival la fabrique des écritureshttps://etoiledunord-theatre.com/saison/la-fabrique-des-ecritures-2
16 rue
Georgette Agutte
75018 Paris.
Du 24 au 26 janvier 2024.
Durée 1h45.

Théâtre 13 / Bibliothèque
30 rue du Chevaleret
75013 Paris.
Du 30 janvier au 9 février 2024.

Avec Noémie Develay-Ressiguier, Sébastien Desjours, Sol Espèche, Nicolas Giret-Famin.
Assistante mise en scène Florence Albaret.
Chorégraphe de Jeanne Alechinsky.
Scénographie de Camille Duchemin
Costumes de Clara Hubert
Lumières de César Godefroy
Création sonore de Loïc Le Roux
Régie générale de Camille Faye et son d’Olivier Wurth
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