Dans un château, quelque peu étrange, perdu au cœur d’un forêt du fin fond de l’Italie, un petit garçon, nommé Prince (épatant Simon Bonvin), déprime ferme. Sa famille, ancêtre des Addams, s’inquiète. Pour le sauver, ils ont déjà tout tenté. Aucun médecin digne de ce nom n’a réussi à le sortir de sa neurasthénie. En dernier recours, ils s’adressent au docteur Basilico (extravagant Philippe Gouin), sorte de Monsieur Loyal, expert es psychologie et contes de fées.
La thérapie des contes
C’est à table que la famille nous reçoit. Au menu, cervelles, louves rôties et autres amuse-bouches sanglants et craquants. Dire que tout cela est peu ragoutant n’est rien. Le reste ne va pas aller en s’arrangeant. Tant est plus que notre bon docteur aux manières excentriques et appuyées se demande bien ce qu’il est venu faire dans cette galère. Les présentations faites, père (méconnaissable Cyril Romoli) bon vivant et très poilu, mère baroque (épatante Jeanne Pasquier), sœur détonante (remarquable Audrey Saad) et personnels de maison du même acabit, il est temps d’appliquer la thérapie du Basilico.
Pour redonner goût à la vie au petit Prince, l’éminent spécialiste a imaginé de le soumettre à une série de conte trash, où le chemin chaotique emprunté par les héros et héroïnes ne permet de dénouement heureux, qu’après de grands sacrifices. Peau d’âne, Cendrillon et la Belle au bois dormant n’ont qu’à bien se tenir. Bien avant Perrault et les Frères Grimm, Giambattista Basile avait déjà esquissé leurs histoires. Chez le poète italien, pas de robe couleur du temps, pas de baiser salvateur, pas de souris bienveillantes, mais des mains tranchées, des viols et des beautés abimées. Bien avant les mouvements féministes, ces contes datant du XVIe siècle avait pour vocation d’alerter l’enfant sur les dangers de la vie, ses duretés.
Du grand théâtre d’artifice
Avec maestria et ingéniosité, Omar Porras puise dans les artifices et la magie du théâtre, mais aussi du cabaret, pour donner chair de manière survoltée et fantasmagorique à l’œuvre de Giambattista Basile. Passant du kitsch au gore, multipliant les effets, il nous embarque au cœur même de ces fables enfantines où des serpents deviennent des petits garçons, des princesses se mutilent pour sauver leur honneur. Usant et abusant pour le plus grand plaisir du public de jeux exagérés, de subterfuges un brin trivials mais tellement bien ciselés, il finit par convaincre les plus réticents de laisser le réel au loin pour plonger sans résistante dans un monde occulte entre fascination et répulsion. L’horreur n’est jamais loin de l’humour noir. Et c’est tout le sel de cet fantaisie scénique qui plaira autant aux petits qu’aux grands.
Porté par une troupe virtuose, ce conte des contes se laisse déguster telle une friandise acidulée. Ça pique au début, mais malgré tout on en redemande toujours. Bravo !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Renens
Le Conte des contes de Giambattista Basile
Ce spectacle créé le 27 octobre 2020
Théâtre Kléber Méleau
Chemin de l’Usine à gaz 9
1020 Renens (Suisse)
jusqu’au 4 février 2024
Durée 1h50.
Tournée
8 et 9 février 2024 à La Liberté, scène nationale, Toulon
16 et 17 février 2024 au Théâtre du Passage, Neuchâtel (CH)
23 et 24 février 2024 au Théâtre Toursky, Marseille (FR)
5 au 7 mars au Malraux, scène nationale Chambéry Savoie (FR)
20 mars au Théâtre Équilibre, Fribourg (CH)
24 et 25 avril 2024 au Cratère Scène nationale d’Alès (FR)
16 mai au 1er juin 2024 au Théâtre Nanterre-Amandiers (FR)
Conception et mise en scène d’Omar Porras – Teatro Malandro
Adaptation et traduction de Marco Sabbatini et d’Omar Porras
Avec Simon Bonvin, Melvin Coppalle, Philippe Gouin, Jeanne Pasquier, Cyril Romoli, Audrey Saad, Marie-Evane Schallenberger
Scénographie d’Amélie Kiritzé-Topor
Composition, arrangements et direction musicale de Christophe Fossemalle
Chorégraphie d’Erik Othelius Pehau-Sorensen
Costumes de Bruno Fatalot
Accessoires et effets spéciaux – Laurent Boulanger
Maquillages et perruques – Véronique Soulier-Nguyen
Assistante maquillages et perruques – Léa Arraez
Couture et habillage – Julie Raonison
Régie générale et plateau – Gabriel Sklenar
Régie son – Benjamin Tixhon & Sébastien Perron
Re-création lumière – Mathias Roche et Omar Porras
Régie lumière Jean-Christophe Kehrli – Ludovic Bouaud
Direction technique – Alexandre Genoud
