Comment est née l’idée de faire une exposition sur le temps qui passe ?
AnneSophie Bérard : C’est une idée de Florent Héridel, directeur du MAIF Social Club. Face à l’accélération de nos sociétés, il voulait qu’on s’intéresse à la possibilité de ralentir, d’appréhender autrement notre rapport au temps. Dès qu’il m’a parlé de ce projet, j’ai assez rapidement eu envie de travailler sur l’aspect paradoxal de ce sujet : lorsqu’on pense au temps que nous avons à vivre, on est sans cesse partagé entre l’urgence liée aux mille choses à faire, la crainte de passer à côté de tout et le besoin de s’arrêter pour souffler un peu. En fait, à partir de la notion de temps, on peut construire un récit politique qui traduit la pression sociétale pesant sur les épaules de chaque individu et contraignant notre besoin d’espace spatio-temporel.
Artistiquement, comment cela se traduit-il ?
AnneSophie Bérard : j’ai découpé l’exposition en trois parties distinctes. Tout d’abord, trois artistes explorent la question du temps à vivre. C’est-à-dire comment fait-on au quotidien, pour vivre pleinement son existence, donner du sens à ce que l’on fait en ayant conscience que notre temps est limité, que tout a une finitude. J’ai invité les artistes Julia Haumont, Lingzi Ji et Arno Fabre. Chacun à leur manière, que ce soit par des sculptures, une fresque à l’aquarelle ou une installation mécanique, apportent un éclairage différent sur la question. Dans un deuxième temps, l’exposition s’intéresse à l’impact du système capitaliste -et de la quête du profit à tout prix- sur notre relation au temps, à travers le travail de trois autres artistes– Karine Giboulo, Kenji Kawakami et Daniel Firman. Enfin, pour la dernière section de l’exposition, quatre artistes nous invitent à ralentir, à se poser, à contempler. C’est une partie que je voulais très poétique, sans perdre de vue l’ambition sociétale de ce sujet. À travers ces œuvres, on comprend bien que le ralentissement ne peut se faire de manière individuelle. La réponse ne peut être que politique et collective.
Finalement, c’est une des thématiques les plus politiques du MAIF Social Club ?
AnneSophie Bérard : Oui, c’est vrai. La question du temps, à travers les notions d’éternité, d’instant, de beauté avait déjà été pas mal explorée dans d’autres expositions relativement récentes. C’est pourquoi Florent et moi-même avons eu envie d’explorer une approche plus philosophique et politique. Le temps à vivre, c’est le cœur de notre existence et elle induit, de façon inhérente, les questions écologiques liées à la gestion de nos ressources et au soin que nous devons apporter à tout être vivant !
Comment avez -vous fait le choix des artistes ?
AnneSophie Bérard : J‘avais une première intuition qui est restée tout du long. Je voulais présenter des œuvres nécessitant un temps de contemplation assez lent, justement. Cela m’a menée vers des œuvres qui incluent un certain investissement corporel. Et par ailleurs, je voulais que le processus de création des œuvres présentées résonne eux aussi avec un temps long, comme on le ressent avec les tapis de Julie Fortier ou les petites silhouettes de l’artiste Lingzi Ji. Et enfin, comme toujours, il était important de valoriser une vraie hétérogénéité, tant dans les œuvres que dans les médiums et les artistes présentés.
Y a-t-il des créations originales spécialement imaginées pour le MAIF Social club ?
AnneSophie Bérard : Les deux tiers je dirais. Florent et moi avions envie de voir émerger des bulles temporelles inédites.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le temps qu’il nous faut
MAIF Social Club
37 rue de Turenne
75003 Paris
jusqu’au 24 février 2024