Cette saison, Lucinda Childs et Bob Wilson, deux monstres sacrés des scènes américaines, reviennent en France avec une version réinventée de leur pièce culte de 1981, Relative Calm. À la Villette, en partenariat avec Chaillot – Théâtre national de la Danse, les deux artistes déploient vers l’infini leur grammaire, scénographique pour l’un et chorégraphique pour l’autre.
© Lucie Jansch
Dès l’entrée, le ton est donné. Au sol, deux lignes de néons bleus délimitent l’espace. La signature de Bob Wilson, qui se décline à l’infini tout au long de cette soirée composée de trois courtes pièces et deux intermèdes, saute aux yeux. Lumières aveuglantes, couleurs contrastées et jeux ciselés d’ombres et de lumières en surlignent l’identité inchangée depuis plus de quarante ans. Dans cet univers très codifié, la chorégraphe, complice du metteur en scène et plasticien depuis les années soixante, se fond avec aisance, permettant de souligner la géométrie de son écriture. Portés par la musique, les quatre danseuses et les quatre danseurs, vêtus tels des pierrots lunaires, se laissent porter par la musique minimaliste de Jon Gibson. Pirouettes, grands jetés, glissades, etc. , structurent au cordeau cette première partie transformant les interprètes en balanciers humains. Dessinant au sol des trajectoires jouant autant sur les parallèles que sur les perpendiculaires, les interprètes suivent un schéma chorégraphique parfaitement millimétré, qui se complexifie légèrement à chaque nouvelle boucle et entre en résonances avec les lignes blanches zébrant le grand écran qui sert de fond de scène.
Leitmotivs à l’infini
Suivant le même principe et des enchaînements similaires de mouvements, la deuxième partie est une variante moderne de Pulcinella Suite, ballet créé en 1919 par Igor Stravinsky. Fascinée par la rigueur et la précision d’horloge des ballets russes, Lucinda Childs poursuit son travail chorégraphique dominé par une technique minutieuse, une mécanique irréprochable. Enfin, c’est sur une partition saturée de John Adams, extraite d’Availiable Light, pièce culte de la chorégraphe, que se conclut de cette re-création. Répétant les mêmes figures, variant à peine la rythmique, le corps de ballet ne semble faire qu’un.
L’originalité de ce triptyque, et donc son intérêt, ne vient pas de l’œuvre en soi, somme toute très ancrée dans les années 1980, mais bien de la présence lumineuse et burlesque de Lucinda Childs au plateau. Se glissant sur scène entre deux tableaux, l’artiste de quatre vingt-trois ans, tirée à quatre épingles, les cheveux blancs parfaitement lissés dans un carré impeccable et vêtue d’un ensemble de satin noir, répète à l’envi et non sans un humour deux courts extraits des Carnets de Vaslav Nijinski. L’un évoquant l’importance d’être bien habillé pour avoir l’air riche, et l’autre, l’impact des humains sur les dérèglements de la planète.
En revisitant leur propre répertoire, les deux artistes conjuguent une nouvelle fois leur talent, s’amusent des répétitions, des accumulations, des redondances jusqu’à l’exagération. Derrière le mouvement perpétuel qui s’esquisse au fil des trois courtes pièces, se fait jour une œuvre de répertoire qui s’inscrit dans le patrimoine malgré ces accents très eighties, révolutionnaires en leur temps mais un brin datés aujourd’hui !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Relative calm de Lucinda Childs et Bob Wilson
première française au Théâtre Garonne en décembre 2022
Chaillot – Théâtre national de la danse hors les murs
La Villette
211 avenue Jean Jaurés
75019 Paris
Présenté du 30 novembre au 3 décembre 2023
Durée 1h15
Concept, lumière, vidéo, scénographie et direction – Robert Wilson
Chorégraphie de Lucinda Childs
Musique de Jon Gibson, Igor Stravinsky & John Adams
Direction MP3 Dance project – Michele Pogliani
Avec Agnese Trippa, Giovanni Marino, Irene Venuta, Sara Mignani, Nicolò Troiano, Asia Fabbri, Mariagrazia Avvenire, Mariantonietta Mango, Giulia Maria De Marzi, Xhoaki Hoxha, Cristian Cianciulli, Gerardo Pastore
Collaborateur à la scénographie – Flavio Pezzotti
Collaborateur à la lumière – Cristian Simon
Collaborateur à la vidéo –Tomek Jeziorski
Costumes de Tiziana Barbaranelli
Son de Dario Felli
Maquillage de Claudia Bastia
Directeur technique d’Enrico Maso