Elle disait d’elle qu’elle avait une voix « incomparable ». En ce mois de décembre où l’on commémore le centenaire de la naissance de Maria Callas, une autre diva, égyptienne, était célébrée dans le cadre de la deuxième édition du festival Plein Phare In au Havre et dans sa région. À L’Espace culturel de la Pointe de Caux à Gonfreville-L’Orcher (76), une journée complète lui était consacrée le 2 décembre avec comme point d’orgue Oüm, la pièce de Fouad Boussouf.
Empressé ou distant, le rapport aux feuilles de salle tendues à l’entrée des spectacles diverge selon les individus. Présentée dans un format A3 plié en quatre, celle distribuée lors de la représentation de Oüm mérite qu’on s’y attarde. A l’intérieur, on découvre quelques quatrains d’Omar Khayyam chantés par Oum Kalthoum, traduits en français. « J’entends une voix qui appelle au milieu de la nuit/ Elle crie de l’au-delà :“Gens insouciants réveillez-vous et remplissez le verre du désir Avant que ne remplisse le verre de la vie, la main du destin“. » Pour entreprendre le voyage auquel nous convie Fouad Boussouf il est judicieux de s’en imprégner.
Des clins d’œil aux danses orientales
Au plateau, côté jardin, deux musiciens Mohanad Aljaramani et Lucien Zerrad dans la pénombre. Côté cour, devant un rideau de fils en fond de scène, dans une trouée de lumière, Mwendwa Marchand déroule un solo de dos. Par le délié de ses mouvements, la danseuse calligraphie dans l’espace les mots du poète qui résonnent. Un moment suspendu qui happe par sa beauté.
Elle est rejointe par les cinq autres interprètes vêtus en costumes masculins, en référence peut-être à la jeune Oum qui, la première fois, chanta travestie en garçon. Mouvements de pieds synchronisés, épaulements, déhanchés… Les clins d’œil aux danses orientales irriguent la chorégraphie. Une danse métissée de différentes influences se déploie aux sons mêlés du oud et de la guitare électrique.
Transe pour le temps présent
Si la pièce évoque le prénom de l’une des plus grandes voix de la musique arabe, son évocation est davantage un prétexte à rendre hommage à une culture mêlant musique, chant, danse et poésie. Chaque interprète s’approprie avec son parcours cet héritage. Leur jeunesse exempte la pièce de toute nostalgie. Le rythme s’intensifie progressivement pour déboucher sur une espèce de transe collective. Une ode au temps présent, un carpe diem oriental.
Conçue comme un « rendez-vous poétique », Oüm unit danseurs et musiciens dans une même énergie joyeuse et communicative. On raconte que sur scène, Oum Kalthoum reine de l’improvisation à la puissance vocale inégalée, pouvait faire durer ses chansons plus d’une heure, et mener le public jusqu’à l’extase. Si la présence de la diva plane sur le spectacle, on l’entend finalement peu chanter. Sauf à la fin. On aimerait d’ailleurs que ce moment empreint d’une belle solennité où les 6 danseurs se rassemblent comme en signe de recueillement dure plus longtemps.
Claudine Colozzi
Oüm de Fouad Boussouf
présenté le 2 décembre à l’Espace culturel de la Pointe de Caux, Gonfreville-L’Orcher (76) dans le cadre du Festival Plein Phare In
Durée 1h
Tournée 2024-2025, cliquez ici
Tournée 2024
01 février 2024 à l’Orange Bleue, Eaubonne (95)
06 février 2024 au Théâtre de Rungis (91)
08 février 2024 au Théâtre Jacques Carat de Cachan (94)
22 mars 2024 au CCM Jacques Prévert, Villeparisis (95)
29 mars 2024 Le Rive gauche, St-Étienne-du-Rouvray (76)
16 mai 2024 à la Manufacture, CDCN de Bordeaux (33)
Direction artistique et chorégraphie de Fouad Boussouf
Assistant chorégraphe – Sami Blond
avec Nadim Bahsoun, Sami Blond, Mathieu Bord, Loïc Elice, Filipa Correia Lescuyer, Mwendwa Marchand.
Musiciens / composition – Mohanad Aljaramani (oud, percussions, voix) et Lucien Zerrad (guitare et oud)
Scénographie de Raymond Sarti
Dramaturgie de Mona El Yafi
Costumes d’Anaïs Heureuaux
Lumière de Fabrice Sarcy
