Maggie the Cat de Trajal Harrell © Tristram Keton
© Tristram Keton

Maggie the Cat de Trajal Harrell : quand la chatte n’est pas là

À La Villette, dans le cadre du Festival d'Automne à Paris, le chorégraphe américain Trajal Harrell présentait "Maggie the Cat", une fête de la créativité pauvre.

Maggie the Cat de Trajal Harrell © Tristram Keton
© Tristram Keton

« Maggie the cat, the wonderful, wonderful cat… », scande Perle Palombe comme une MC sur une musique hachée en gros morceaux. Quelques minutes plus tôt, le public à peine assis dans la grande halle de la Villette, Maggie the Cat commençait par un tour de présentations. Le chorégraphe est Big Mama, la danseuse au micro est Big Papa, et les deux forment le couple des beaux-parents de La Chatte sur un toit brûlant, la pièce de Tennessee Williams dont la protagoniste donne son nom à la pièce.

C’est peut-être la plus joyeuses des cérémonies harelliennes que l’on ait vu pendant ce festival d’automne. Elle est chargée d’une ironie, celle de mille appels à une héroïne qui n’apparaît jamais, ouvrant le champ, à la place, aux invisibles de la pièce originale, les domestiques de la maison du vieux Sud américain qui sert de décor à Williams, ici figurés par douze danseurs fidèles qui apparaissent de derrière un paravent. Maggie déploie les éléments chers au chorégraphe américain : la communauté mise en scène, la téléportation de l’univers de la mode sur le plateau de danse, un mouvement sur le seuil du chorégraphique, un découpage musical en forme de ready-made brutaliste. Les influences du voguing, elles, sont plus présentes que jamais, et la pièce toute entière fonctionne selon l’un de ses principes fondateurs : l’appropriation, par la marge, des figures au centre du vieux imaginaire collectif américain.

L’amertume de ce renversement, qui met en lumière les dynamiques raciales terribles tues par la pièce entre les maîtres blancs et les domestiques noirs, est amortie (et pas démentie) par la tendresse d’Harell pour ces figures de « petites mains », ce motif singulier à son travail qui le faisait se transformer en bonne fée tournoyante autour des interprètes dans The Romeo. Quand la chatte n’est pas là, les souris dansent, défilent, glissent du défilé à la danse, beaucoup, forcément. Elles s’inventent des costumes à partir des coussins et des draps transportés à bout de bras par ces domestiques déconsidérés. Ainsi, Maggie the cat exécute une idée aussi simple que glorieuse : inviter des personnages invisibles sur scène et leur faire une grande fête, et par là célébrer la créativité nécessaire, le besoin de se construire une forme à soi avec trois bouts de ficelle, agencer la récupération dans l’évitement constant du déjà-écrit.


Maggie the Cat de Trajal Harell
présenté jusqu’au 16 décembre 2023
Festival d’Automne à Paris
Grande halle de la Villette

211 avenue Jean Jaurès
75019 Paris

Choréographie, costumes, scénographie et son, Trajal Harrell
Avec Stephanie Amurao, Maria Ferreira da Silva, Titilayo Adebayo, Helan Boyd Auerbach, Vânia Doutel Vaz, Rob Fordeyn, Challenge Gambodete, Trajal Harrell, Christopher Matthews, Nasheeka Nedsreal, Tiran Normanson, Perle Palombe, Songhay Toldon, Ondrej Vidlar
Scénographie, Erik Flatmo, Trajal Harrell
Lumières, Stéfane Perraud
Assistant, Lennart Boyd Schürmann
Dramaturgie, Katinka Deecke

Laisser un commentaire

Your email address will not be published.

Contact Form Powered By : XYZScripts.com