Au théâtre Montansier de Versailles, dont elle est artiste associée, Maryse Estier porte au plateau la poétique tragédie de Friedrich von Schiller, inspirée par la vie de Marie Stuart, Reine d’Écosse au destin funeste. Après L’Aiglon d’Edmond Rostand, il y a deux ans, la jeune metteuse en scène poursuit son travail autour de pièces historiques, qu’elle fait résonner avec des problématiques du temps présent.
© Valeria Herklotz
Quel est votre premier souvenir d’art vivant ?
« C’est du Poumon que vous êtes malade ! Le poumon, le poumon, le poumon ! »*
Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ?
Depuis petite je voulais tout faire différemment des autres, je voulais faire « à ma manière », me sentir libre. Je n’ai fait que chercher toujours cette liberté.
Qu’est ce qui a fait que vous avez choisi d’être metteuse en scène ?
Après m’être formée comme comédienne, j’ai découvert la mise en scène en devenant assistante. J’ai senti que mes qualités et ma sensibilité s’épanouissaient en adoptant ce nouveau point de vue. C’est devenu ma place juste.
Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Les Juifs de Lessing, mis en scène par Hervé Loichemol. C’était la première fois que je suivais la création d’un spectacle du point de vue de la mise en scène car j’étais assistante. C’était pour moi comme entrer dans la cuisine ; je découvrais émerveillée les techniques, les épices, la recherche d’équilibre, les accords inattendus, refaire, rater, et rire beaucoup.
Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Les Chaises de Ionesco, mis en scène par Luc Bondy. Ce spectacle m’a profondément marqué comme un rêve qu’on a fait et qu’on n’oublie jamais. J’ai eu la chance de travailler des années plus tard avec Micha Lescot qui jouait Le Vieux, et de pouvoir en parler avec lui. C’est un acteur formidable et très généreux.
Quelles sont vos plus belles rencontres ?
Lors de ma formation à l’ENSATT, j’ai travaillé en tête à tête durant plusieurs semaines la dramaturgie avec Michel Vittoz, qui avait été longtemps le collaborateur d’Alain Françon. Ma rencontre avec Michel est sans doute celle qui m’a le plus portée. Avec lui j’ai appris à lire un texte de théâtre, à en chercher la compréhension au-delà des stéréotypes. C’était un homme qui avait autant d’exigence que d’humour.
En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ?
Il m’aide à appréhender la violence ou l’absurdité du monde. Parce qu’en travaillant à mettre en scène des histoires de femmes et d’hommes, je me rappelle que rien de ce qui est humain ne nous est étranger.
Qu’est-ce qui vous inspire ?
Mes rêves et les univers esthétiques de mes collaborateurs.
De quel ordre est votre rapport à la scène ?
Similaire à mon rapport au monde : je porte une grande attention aux détails.
À quel endroit de votre chair, de votre corps situez-vous votre désir de faire votre métier ?
Dans un coin inconnu de ma tête qui m’empêche de baisser les bras.
Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ?
Sur Marie Stuart, j’ai collaboré pour la première fois avec un chorégraphe, Adrien Ouaki. Il a un vocabulaire du corps qui rejoint le travail que je souhaite pousser plus loin sur mes prochaines créations.
À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
Je rêve de créer un spectacle pour le festival d’Epidor.
Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ?
Une Skyspace de James Turrell.
Propos recueillis par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Marie Stuart de Friedrich von Schiller
Théâtre Montansier
13 Rue des Réservoirs
78000 Versailles
du 7 au 12 novembre 2023
Durée 1h40
Tournée
12 au 15 Décembre 2023 à La Manufacture – CDN de Nancy
mise en scène et adaptation de Maryse Estier assistée de Mathilde Belingard
avec Margaux Le Mignan, Clémence Longy, Pierre Cuq, Axel Mandron, Daniel Léocadie, Nicolas Avinée, Dylan Ferreux
scénographie de Marlène Berkane
costumes de Clément Vachelard
son et musiques originales de David Hess
lumières de Lucien Valle
* célèbre réplique du Malade imaginaire de Molière