Neige de Pauline Bureau © Christophe Raynaud de Lage

Neige ou l’émancipation d’une jeune fille trop bien rangée

À la Comédie de Saint-Étienne, dont elle est marraine de la promotion 32 de l’École d’Art dramatique rattachée au CDN, avant d'entamer une belle tournée qui passera en décembre à la Colline, Pauline Bureau revisite le conte de Blanche Neige pour mieux l’ancrer dans un présent réaliste autant que fantastique. 

Neige (Camille Garcia, tout en justesse) a 14 ans. C’est une enfant introvertie, ni vraiment malheureuse, ni vraiment joyeuse. Enfermée dans le cocon ouaté autant qu’autoritaire que sa mère (épatante Marie Nicolle), une « working girl » rigoriste qui a peur de vieillir, a tissé autour d’elle, la jeune fille semble évaporée, éthérée, à distance du monde. Derrière le masque de la soumission, une rage bouillonne celle de vivre tout simplement. Des papillons dans le ventre depuis que Chris (impayable Anthony Roullier), le bogosse cool du lycée lui a offert quelques fleurs, elle rêve de s’affranchir de son existence réglée, de sa petite chambre bien proprette. Mais comment faire ? Comment s’autoriser à être enfin soi-même ? 

Jeux de miroir 
Neige de Pauline Bureau © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Toute ressemblance avec le conte de fées allemand, rendu célèbre par Walt Disney, sera bien évidement fortuite. Avec habilité, Pauline Bureau tord le cou aux idées reçues, aux préjugés sexistes, aux raccourcis patriarcaux, qui inondent les histoires pour fillettes. Ici pas de sorcière, de marâtre odieuse, de prince charmant ou de cruel chasseur, mais des gens ordinaires confrontés aux affres du quotidien, ni gentils, ni vraiment méchants. 

La mère n’est pas vraiment un monstre d’égoïsme, ni une Folcoche en puissance, elle a juste décidé de se couper de tout sentiment pour ne pas souffrir et de placer en sa fille tous ses espoirs déçus, quitte à l’étouffer de bons, mais aussi d’insidieux sentiments. Le bellâtre n’est pas là pour sauver la belle, juste pour profiter au mieux de la vie sans se poser de question, sans faire attention aux autres. Malgré son air sombre, inquiétant, l’homme des bois (ténébreux Régis Laroche) est finalement une bonne pâte, un solitaire avec la main sur le cœur. 

Avec malice, chaque personne, jusqu’au père (Yann Burlot, tout en retenue) et à la bonne amie (lumineuse Claire Toubin) sert de miroir à l’autre, de catalyseur d’émotions qui révèle à chacun ses travers, ses rêves afin de lui laisser entrevoir que tout est encore possible. Le destin dans lequel ils se sont tous englués, n’est pas une fatalité. 

Décor de rêve, de cauchemar 
Neige de Pauline Bureau © Christophe Raynaud de Lage
© Christophe Raynaud de Lage

Au-delà du jeu impeccable des comédiens, la plupart des fidèles de la Compagnie de la Part des anges, l’élément central de la mise en scène ciselée de Pauline Bureau est la forêt qui sert d’écrin à sa pièce. Pensée par Emmanuelle Roy, elle est autant enchantée que terrifiante. Sombre la nuit, lumineuse le jour, elle happe les regards, stimule nos imaginaires et nous renvoie à nos propres projections. L’apparition d’une biche, le cri d’un loup, des silhouettes errantes, dansantes, elle est clairement l’un personnage principaux de cette fable contemporaine.

Tel un appel à la nature, c’est au cœur de ce sous-bois que les mots trop longtemps tus vont être dits, que les pardons, les excuses vont être acceptés, les rêves enfin pouvoir être accessibles. Les images imaginées par l’autrice et metteuse en scène accrochent les regards, attrapent l’attention et embarquent le public du fantastique au réel. Neige n’excelle pas dans tous les arts, bien au contraire. Comme toute ado, elle a ses règles, ses premiers émois, ses premiers chagrins. Fini l’univers rose bonbon des princesses en tutu, aujourd’hui la damoiselle aime les shorts, ose se rebeller.

Avec NeigePauline Bureau renoue, pour le plus grand plaisir de tous, avec les parcours initiatiques des filles, des garçons à l’heure du passage à l’âge adulte, comme dans Dormir cent ans. Bien qu’en ce soir de première, le spectacle cherche encore son rythme, il est porteur de belles promesses. Alors prenez le train en route et laissez-vous porter par les rêves d’une enfant bien décidée à se confronter au monde et à la vie !

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Saint-Étienne

Neige de Pauline Bureau
La Comédie de Saint-Étienne
place Jean Dasté
42000 Saint-Étienne
jusqu’au 24 octobre 2023
durée 1h30 environ

Tournée
8 au 9 novembre 2023 à Bonlieu Scène Nationale – Annecy
16 au 18 novembre 2023 à La Croix-Rousse Lyon
1er au 22 décembre 2023 à La Colline Théâtre national – Grand Théâtre
11 au 12 janvier 2024 au Bateau Feu Dunkerque
25 janvier 2024 à 20h à Théâtre Le Cratère – Alès
5 au 6 février 2024 – Scène nationale 61 – Alençon-Flers-Mortagne 
11 au 12 avril2024  – L’espace des Arts – Chalon sur Saône
17 & 18 avril 2024 – Théâtre de Cornouaille – Scène nationale – Quimper

texte et mise en scène Pauline Bureau assistée de Léa Fouillet
 avec Yann Burlot, Camille Garcia, Régis Laroche, Marie Nicolle, Anthony Roullier, Claire Toubin
scénographie et accessoires d’Emmanuelle Roy
costumes d’Alice Touvet
composition musicale et sonore de Vincent Hulot
dramaturgie de Benoîte Bureau
magie et vidéo de Clément Debailleul 
lumières de Jean-Luc Chanonat
perruques de Julie Poulain
collaboratrice artistique – Valérie Nègre
cheffe opératrice tournage subaquatique – Florence Levasseur 
Construction décor – Atelier de La Comédie de Saint-Étienne

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