Après Les parents terribles, créé en octobre 2020 au Théâtre national de Nice, Christophe Perton s’attaque à l’Atelier, à une autre des œuvres emblématiques de Cocteau, Le Bel indifférent. Écrite en 1940 pour Édith Piaf et Paul Meurisse, la pièce raconte les tourments d’une femme vieillissante, possessive et jalouse face au dédain, au mépris de son jeune et fougueux amant.
Se glissant dans les pas de la môme, Romane Bohringer incarne une chanteuse à la carrière internationale en concert à Séoul. Épuisée, elle entre dans sa chambre d’hôtel, froide, impersonnelle, espérant trouver un peu de réconfort dans les bras de son homme (Tristan Sagon). Jouant les filles de l’air, ce dernier est introuvable. L’attente commence, longue, insidieuse, perfide. Les reproches s’accumulent. L’angoisse devient rage. Quand, il finit par rentrer, elle a fourbi ses armes. Le solde de tout compte est prêt. Elle vide son sac, mais face à son mutisme, son silence, elle se fait chatte, drama queen, mante religieuse à la vertu outragée. Rien n’y fait. La passion n’a pas de prise sur lui, seule la raison peut encore la sauver du naufrage, de l’humiliation. Un gouffre s’est ouvert devant elle, la catastrophe est imminente.
Décidément, Cocteau ne résiste pas au temps qui passe. Sa prose poétique autant que mélancolique a quelque chose de suranné qui a bien du mal à attraper le public d’aujourd’hui. Perton a bien essayé d’en moderniser le contexte et les thématiques – violences conjugales et peur de vieillir – , notamment en maillant les deux versions écrites par l’auteur, celle pour le théâtre et celle écrite comme un long poème, mais cela ne suffit pas à emporter. Saturé de vidéos inutiles autant que superflues, le décor très contemporain engloutit la comédienne qui se débat comme elle peut avec toute son énergie et son talent pour rester à la surface. À ses côtés, le danseur aux muscles saillants et tatoués joue les évanescents. Ne reste que les musiques très rock folk composées par le duo Maurice Marius et Emmanuel Jessua… la seule véritable bonne idée de cette tragi-comédie musicale, qui malheureusement laisse toute une partie du public sur le pas de la porte !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
Le Bel indifférent de Jean Cocteau
Théâtre de l’Atelier
Place Charles Dullin
75018 Paris
jusqu’au 12 novembre 2023
Durée 1h15
Adaptation, mise en scène et scénographie de Christophe Perton
Avec Romane Bohringer et Tristan Sagon
Composition musicale originale de Maurice Marius et Emmanuel Jessua
Avec Emmanuel Jessua à la lead guitare et claviers, Maurice Marius au chant et claviers, Jonathan Maurois à la guitare, Pierre Rettien à la batterie & Charles Villanueva à la basse
Collaborateur artistique et 1er assistant – Maurice Marius
Vidéaste – Baptiste Klein
Créateur lumières – Jean-Pierre Michel
Répétiteur de chant – Mark Marian
Chorégraphe – Glyslein Lefever
Costumes de Christophe Perton et Céline Guignard-Rajot
Assistante chorégraphe et mise en scène – Victoria Rose Roy
Assistante costumes – Lucie Guillemet
Assistant vidéo et captation – Léolo Pujebet
Régie générale – Pablo Simonet
Régie son – Geoffrey Bonnifet