Après douze ans d’absence, Sophie Marceau revient sur les planches. Plus rayonnante que jamais, tout en grâce et élégance, elle incarne une célèbre pianiste, qui en rentrant un peu plus tôt chez elle que prévu, sauve du suicide son psy de mari (François Berléand). Au-delà de l’absurde de la situation, lui la corde au cou au milieu du salon, elle, les valises à la main, à peine débarquée de Berlin, c’est toute une réflexion sur la finitude de la vie (bourgeoise) qui transparaît de cette comédie de boulevard, drôle, fine autant que mélancolique.
Qu’a-t-on fait de nos vingt ans ? Que vaut notre existence alors que la cinquantaine bien entamée, nous n’avons véritablement rien fait de nos dix doigts, rien d’extravagant de notable en tout cas ? En voulant mourir sans laisser de mot d’adieu, bien qu’ayant tout prévu pour ne pas déranger le quotidien de sa femme — notamment en demandant expressément à la femme de ménage de passer plutôt pour nettoyer le désordre et tout ranger —, Julien ouvre la boîte de Pandore des couples vieillissants, usés par le quotidien, le train-train d’une vie aisée, mais sans surprise. Avec habileté, Audrey Schebat dissèque jusqu’à l’os la vie de ces êtres qui vivent côte à côte sans plus se regarder, afin d’extraire la tumeur qui les a rendus fade et sans saveur. À travers ce face-à-face cinglant et lucide, elle libère la parole de ses personnages et leur offre une belle porte de sortie vers un ailleurs fantasmé.
Les répliques fusent et font mouche à tous les coups. Les mots cognent, frappent, mordent parfois. Les réflexions pleines de lucidité résonnent au plus profond de chaque homme, chaque femme, les renvoyant à leur propre fatalisme et à leur propre inertie. Sans trivialité, sans afféteries, Sophie Marceau et François Berléand sont monsieur et madame tout-le-monde et donnent vie sans trop de fausses notes à ce salon bleu Klein, espace mental stylisé sublimant cette banalité bourgeoise. Si parfois le jeu de l’une est fragile, le répondant de l’autre un peu dilettante, la comédienne n’est jamais aussi touchante et troublante que dans la tragédie. Elle excelle dans les larmes et le drame. À l’unisson, dirigés par l’autrice elle-même, les deux artistes font les beaux jours des Bouffes parisiens. La salle, comble jusqu’au poulailler, se lève d’un bond et applaudit à tout rompre. Sans prétention, La Note se révèle être un spectacle populaire, drôle et poignant tout en humanité contenue !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore
La note d’Audrey Schebat
Théâtre des Bouffes Parisiens
4 Rue Monsigny
75002 Paris
jusqu’au 31 décembre 2023
durée 1h30
Mise en scène d’Audrey Schebat
avec Sophie Marceau et François Berléand
