À Montpellier, au Théâtre Jean Vilar, la metteuse en scène Hélène Soulié et l’autrice Marie Dilasser démystifient le conte rendu célèbre par Perrault, par les Frères Grimm, déboulonnent l’Œdipe de Peau d’âne, offrent à l’héroïne les armes pour se reconstruire et condamnent le père incestueux aux tourments éternels. Ici pas de robe couleur soleil ou couleur de lune, pas de marraine fée pour sauver l’enfant des griffes de son père, pas de prince sauveur… À peine quelques clins d’œil détournés au fameux cake d’amour, sanctifié dans l’inconscient collectif par l’adaptation cinématographique de Jacques Demy. Ne reste que l’histoire d’une petite fille et de son géniteur qui se glisse dans son lit et la caresse.
Débarrassé de ces oripeaux qui enjolivent le sordide pour faire fable, le conte revu et corrigé par Marie Dilasser, en collaboration avec Hélène Soulié, donne à voir une réalité crue, celle d’une mère démissionnaire, d’un père pédophile et d’une gamine perdue qui se réfugie dans ses rêves pop et dégenrés pour ne pas sombrer. En revisitant ce classique du genre, les deux artistes, toutes deux féministes engagées, ne font certes pas dans la dentelle, mais trouvent les mots justes et les images percutantes pour en finir avec la banalisation de l’inceste véhiculé par les écrits de Perrault.
Imaginé pour un public adolescent, ce Peau d’âne des temps présents met en exergue les non-dits, les mots cachés entre les lignes. Abusant des effets scéniques- surjeux, lumières psychédéliques, costumes délirants, etc. – et des codes de la jeunesse d’aujourd’hui, Hélène Soulié touche juste, secoue les consciences des prépubères, déjà acquis à la cause, quitte à laisser les adultes sur le bord de la route. En rodage, en ce soir de première, le spectacle tout feu tout flamme tout « queer » devrait, on l’espère, trouver son rythme de croisière au fil des représentations. Comme tous les contes, Peau d’âne ancre les rêves des petites filles dans un patriarcat crasse. L’adaptation qui en est faite par Dilasser et Soulié tente d’en déboulonner les fondements à travers un procès déjanté en perruques, tenues sexy et bras levés !
Olivier Frégaville-Gratian d’Amore – Envoyé spécial à Montpellier
Peau d’âne – la fête est finie de Marie Dilasser
Théâtre Jean Vilar
155 Rue de Bologne
34080 Montpellier
Jusqu’au 13 octobre 2023
durée 1h20
16 et 17 octobre 2023 au parvis – scène nationale, Tarbes
19 au 20 octobre 2023 à la Scène nationale du Sud Aquitain, Bayonne
le 27 janvier 2024 à la Salle polyvalente Jacques Brel – Prades le lez
le 28 janvier 2024 au Centre culturel Bérenger de Frédol – Villeneuve les maguelone
le 11 février 2024 à L’Arsénic – Guindou – Saison culturelle Cazals-Salviac
le 22 février 2024 à l’Espace Culturel de Brécey – Communauté d’agglomération Mont Saint-Michel Normandie
Conception et mise en scène d’Hélène Soulié
Texte de Marie Dilasser en collaboration avec Hélène Soulié
Assistance mise en scène – Chloé Bégou
Scénographie d’Emmanuelle Debeusscher et Hélène Soulié
Vidéo de Maïa Fastinger
Lumière de Juliette Besançon
Son de Jean-Christophe Sirven
Costumes de Marie-Frédérique Fillion