Ferme bien ta gueule - Ratel - de Chastenet - Gauthier - Lepic © Cloé Harent

Ferme bien ta gueule, l’OVNI théâtral de Julien Ratel

La comédie de Julien Ratel, mise en scène par Ludivine de Chastenet et Benjamin Gauthier, interprétée subtilement par un quatuor d’experts, surprend au début puis, entre rires et émotions, nous embarque complètement.

L’auteur, les metteurs en scène et les producteurs de ce spectacle appartiennent à la bande des Mises en capsules du Théâtre Lepic. Ce festival, initié par Benjamin Bellecour, propose chaque mois de mai, de découvrir des maquettes de trente minutes d’un spectacle en devenir. C’est en 2017 que nous avions remarqués avec plaisir la première ébauche de celui-ci. Le voilà enfin dans sa forme définitive. Si elle s’est un peu éloignée de l’origine, elle en a gagné en puissance. Et l’on ne va pas se plaindre.

Les sentiments ? Connaissent pas
Ferme bien ta gueule - Ratel - de Chastenet - Gauthier - Lepic © Cloé Harent
© Cloé Harent

On est assez surpris au début. On se demande où l’on est et surtout, où l’auteur va nous emmener. Qui sont ces gens qui dès qu’ils doivent s’adresser à l’autre, clore toutes discussions par un « ferme bien ta gueule » ?

Sans filtre, ne sachant écouter l’autre, ces individus sont incapables de s’exprimer normalement. Et puis le charme opère. Avec finalement beaucoup de délicatesse et un beau brin poético-burlesque, Julien Ratel aborde la difficulté de communiqué, d’exprimer ses sentiments, ses envies, ses désirs, ses rêves et surtout son amour.

S’aimer, c’est aussi s’accepter

Nous faisons la connaissance de Steven et de sa femme. Ensemble depuis le lycée, ces quadras se vivent encore presque comme des ados. Lui ne travaille pas mais s’occupe très bien de la maison. Steven, totalement inhibé, ne termine jamais vraiment ses phrases. C’est un doux, un gentil, un craintif, et, comme on le découvrira au fil de la pièce, un rêveur sensible. Julien Ratel est magnifique dans ce personnage de gamin qui a grandi enfermé dans une carapace qui n’est pas la sienne.

Aurélie est caissière à la supérette du coin. Elle est brute de pomme. Vivre n’est qu’un combat qu’elle mène tant bien que mal. Avec son accent du Nord, ses gestes presque masculins, sa violence verbale et corporelle, Constance Carrelet est des plus touchantes. Rien n’est jamais gratuit dans ce que fait sur scène cette comédienne qui nous cueille à chacune de ses prestations.

L’exclusion enferme ou libère

Il y a Marie C., la meilleure amie envahissante avec ses problèmes qu’elle adore se mettre sur le dos. Sa recherche du grand amour l’entraîne dans des situations totalement absurdes. Elle utilise le langage fleuri des jeunes de banlieue. Dans sa tête, sa jeunesse est éternelle ! Elle ne parle pas, elle agresse. On sent chez elle une grande solitude. La peur des autres vous fait construire des murs qui, loin de vous protéger, vous enferment. Marie Lanchas est, comme toujours, extraordinaire dans ce personnage d’« attachiante ».

Ferme bien ta gueule - Ratel - de Chastenet - Gauthier - Lepic © Cloé Harent
© Cloé Harent

Ce trio n’arrête pas de s’agresser verbalement parce qu’ils ne connaissent aucun autre code de communication. L’arrivée dans leur vie d’Adil va remettre tout cela en ordre. Le formidable Mikaël Chirinian incarne, avec une très belle élégance, cet Algérien qui a été banni par sa femme et sa famille. Il a été retrouvé dans le lit de son cousin ! Via une application, il rencontre Steven. Un véritable dialogue se crée entre eux, permettant ainsi au jeune homme timide de dévoiler sa véritable identité, celle d’un homme qui ne rêve que de danse classique. Grâce à Adil, Steven, sa femme et leur amie vont apprendre à « bien fermer leur gueule » pour mieux ouvrir leur cœur.

Un ensemble parfait

La scénographie, très épurée mais efficace, de Clément Vriet, laisse à notre imaginaire la liberté de se faire ses propres images des lieux. Elle permet surtout aux metteurs en scène Ludivine de Chastenet et Benjamin Gauthier de faire entendre le texte de Julien Ratel, de faire vivre et grandir les personnages. Ils ont su doser avec précision les instants comiques et les moments d’émotion. Nous voilà pris au piège de ce spectacle atypique qui est, somme toute, une belle histoire d’amour et de vie.

Marie-Céline Nivière

Ferme bien ta gueule de Julie Ratel.
Théâtre Lepic
1 avenue Junot
75018 Paris.
Jusqu’au 7 janvier 2024.
Du mercredi au samedi à 21h, dimanche à 17h.
Durée 1h20.

Mise en scène de Ludivine de Chastenet et Benjamin Gauthier.
Avec
Constance Carrelet, Marie Lanchas, Mikaël Chirinian, Julien Ratel.
Scénographie de Clément Vriet.
Création lumière de Jean-Luc Chanonat.

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