Les écritures contemporaines ont toujours été au cœur de votre travail…
Véronique Bellegarde : Complètement ! J’ai toujours eu le goût des écritures contemporaines internationales, parce que je suis très curieuse d’entendre ce qui se passe ailleurs. C’est ce qui m’a donné envie de faire de la mise en scène, parce que cela permet de raconter le monde d’aujourd’hui, de nous le faire regarder autrement. Le fait de pouvoir dialoguer avec les autrices et les auteurs est quelque de chose de très riche. Et puis, il y a aussi l’écriture de la scène. Je suis attirée par ces textes qui peuvent appeler un autre langage de la scène. C’est quelque chose qui m’a toujours intéressée, particulièrement dans le travail de ma compagnie Le Zéphyr, que j’ai ouverte en 2000 et avec laquelle j’ai toujours une activité.
Vous êtes depuis deux ans la directrice artistique de la Mousson d’été, comment êtes-vous arrivée à ce poste ?
Véronique Bellegarde : La Mousson était à un tournant, il fallait qu’elle se poursuive. J’ai été nommée par le conseil d’administration pour reprendre la direction en cours d’année. Il y a eu des dialogues avec nos tutelles qui m’ont affirmé leur confiance et l’envie de pérenniser le projet dans le Grand Est, d’être un centre des écritures contemporaines ouvert à l’international.
Donc, la Mousson d’été est plus qu’un événement de fin d’été ?
Véronique Bellegarde : Je me rends compte en additionnant toutes nos activités que cela commence à correspondre à une permanence artistique. Je m’occupe depuis longtemps du comité de lecture. On se voit maintenant deux fois par mois. On lit et on dialogue beaucoup. Nous avons développé des évènements hors des temps des festivals de La Mousson d’été et de La Mousson d’hiver. Il y a d’autres moments qui ont pris place par le biais de partenariats avec d’autres structures. Il y a Chantier d’Automne qui est en tri-partenariat avec l’Espace Bernard-Marie Koltès de Metz et le Nest de Thionville. On travaille sur deux textes. Il y a un texte proposé par la structure et un texte par La Mousson d’été.
Nous nous laissons un plus long temps, un temps de laboratoire. Ce qui permet à la fois de creuser au plateau, de faire un accompagnement dramaturgique avec l’auteur s’il le souhaite. On peut ainsi réfléchir sur la manière dont on va pouvoir guider au mieux un auteur ou une autrice et comment l’offrir à un autre public. C’est ce qui s’est passé en décembre dernier à l’Espace Bernard-Marie Koltès. En décembre 2023, cela se passera au Nest.
Vous avez également un partenariat avec un théâtre bruxellois…
Véronique Bellegarde : Le Rideau de Bruxelles, dirigé par Cathy Min Jung, qui était présente à l’édition de cette année, comme à celle de l’année dernière. Elle vient diriger des textes mais aussi les lire comme comédienne. Elle nous propose des textes d’auteur.e.s belges. Cette année, nous avons présenté Susie Got Talent de Réal Siellez. Il y a eu aussi un atelier pédagogique mené à Bruxelles par Pascale Henry qui travaille avec nous. Le printemps prochain, dans le festival Lis-moi tout au Rideau, il y aura une soirée Mousson d’été.
Vos activités ne s’arrêtent pas là…
Véronique Bellegarde : On a des ateliers sur le territoire, surtout au moment de La nuit de la lecture. Il y a aussi La Mousson d’hiver, destinée aux jeunes adultes et aux adolescents. Maintenant, j’ai le souhait d’ouvrir aux collégiens. La prochaine Mousson d’hiver, il y aura un spectacle qui tournera à l’intérieur des collèges. À la dernière édition, on a ouvert un atelier de traduction qui s’est organisé sur plusieurs villes.
Lors du discours inaugural, vous avez évoqué que les tutelles allaient vous accompagner dans une demande de CPO (convention pluriannuelle d’objectifs). Ce qui signifie ?
Véronique Bellegarde : La Région Grand Est, la DRAC Est, la ville et le département ont signé ensemble une convention de financement sur une durée de quatre ans. Ce qui nous permet d’avoir une sécurité et de la visibilité pour construire. C’est très important par rapport à nos partenariats. Il y a des choses qui se font sur du long terme. Il faut le temps de l’échange. J’ai présenté un projet artistique sur quatre ans, avec des axes. C’est à dire de maintenir les lignes historiques de la Mousson, la découverte des écritures théâtrales d’aujourd’hui, l’international, la transmission et aussi de développer l’implantation sur le territoire par des activités artistiques hors du cadre du festival, des partenariats avec des structures du Grand Est et d’ailleurs.
Quel est le public qui suit la Mousson d’été ?
Véronique Bellegarde : Il y a déjà tous les participants de l’Université d’été. Ils sont quatre vingt. Cette université est dirigée par Jean-Pierre Ryngaert, qui est entouré de Nathalie Fillion, Pascale Henry et Joseph Danan. Ils travaillent les mêmes textes que l’équipe artistique à l’intérieur de l’université d’été. Les participants, d’âges et d’horizons différents, sont soit des étudiants, des autrices ou des auteurs. Et aussi des stagiairesqui travaillent dans des structures, des enseignants, qui cherchent à avoir des outils de transmissions. Cela crée une synergie. Ils forment un socle important du public. Après, il y a des gens qui viennent de la région et bien sûr, les professionnels. Il y a de plus en plus de public. On n’occupe plus les petites salles de l’abbaye…
Justement, parlez-nous du lieu magnifique qui abrite le festival…
Véronique Bellegarde : C’est effectivement magnifique. C’est une abbaye du XVIIIe qui a été transformée en centre culturel en 1964. Ce lieu de rencontre fait aussi hôtellerie. C’est formidable pour un festival parce qu’on est en immersion totale. Parfois, il m’arrive de ne presque pas sortir de l’abbaye pendant deux semaines, sans m’en rendre compte.
La Mousson permet également de faire un focus sur le texte contemporain, comment se porte-t-il ?
Véronique Bellegarde : Il y a beaucoup de diversité, en fait. On a toutefois observé un courant assez fort de textes proches du documentaire. On reçoit et du coup on lit beaucoup de textes qui sont des témoignages du réel. En même temps, je le conçois car on vit une période conflictuelle, avec beaucoup de questions extrêmement vitales et essentielles. Il y a une inquiétude et je comprends que les autrices et les auteurs aient envie de prendre part à ce débat-là, comme peut le faire le cinéma. On ne peut pas rester muet. Mais je pense aussi aux œuvres. En me disant que dans cinq ou dix ans, elles doivent être toujours d’actualité. J’ai le goût des fictions, du dialogue, de l’appel à l’imaginaire, à la créativité. On a eu dans cette édition une autrice norvégienne, Monica Isakstuen, qui travaille le dialogue avec une profondeur incroyable. Cela devient métaphysique. Il y a toutes sortes de manières d’aborder la fiction. Je trouve important de raconter des histoires, d’emmener les gens dans un univers. La fiction n’empêche pas de faire réfléchir à ce qui se passe autour de soi, mais de façon plus métaphorique.
La Mousson d’été 2023 s’est terminée ce mercredi 30 août, quel bilan en faites-vous ?
Véronique Bellegarde : D’après les retours que j’ai reçus, le caractère hétéroclite de la programmation a été une source d’enrichissement. Il m’a semblé que cela a permis à chacun et chacune de déplacer son regard, d’aller vers l’autre. J’ai ouvert certaines lectures à des formes pluridisciplinaires, comme la danse et la musique, qui ont enthousiasmé, une piste à poursuivre… Il y a de plus en plus de monde, l’écriture d’aujourd’hui passionne !
Propos recueillis par Marie-Céline Nivière – envoyée spéciale à Pont-à-Mousson
La Mousson d’été
Abbaye des Prémontrés – Pont-à-Mousson (54)
Du 24 au 30 août 2023